La présence, en contrebas de l’église Saint-Martin, d’une fontaine dédiée à sainte Quitterie atteste l’existence en ce lieu d’une dévotion certainement fort ancienne, et l’église elle-même est mentionnée vers le milieu du xiie siècle dans le Cartulaire de la cathédrale de Dax.
L’édifice actuel est plus récent : dans son premier état, que l’on peut dater de la fin du XIIIe siècle, il devait être seulement constitué par deux rectangles accolés : le premier, formant le chœur, est édifié en moyen appareil assez régulier avec un contrefort dans l’axe et d’autres aux angles, et il est voûté d’ogives ; le second, à peine un peu plus large, forme la nef, qui était simplement charpentée, et que fermait un clocher-mur. Le portail d’entrée devait être ménagé dans le flanc sud.
Au cours de la Guerre de Cent Ans, les deux extrémités de l’église ont été fortifiées par la surélévation du chevet et par la construction d’une tour occidentale ; ces deux parties devaient communiquer par les combles de la nef. Après la tourmente, on a dû refaire le voûtement du chœur, et, aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’église a été agrandie par la construction de deux collatéraux.
Ces divers travaux avaient gravement compromis la solidité de l’édifice. En 1897, l’architecte Dépruneaux estimait qu’il faudrait impérativement refaire le clocher et même la nef, et il proposa donc une reconstruction totale pour un montant qui ne dépasserait sans doute pas celui de toutes les réparations nécessaires. Le projet proposé, qui était de style néogothique, fut accepté par le Conseil Municipal en 1898, mais la Commission des Bâtiments publics demanda que lui fussent apportées d’importantes modifications qui déplurent au Conseil Municipal.
En fait, ce projet ne devait pas voir le jour en raison du manque de ressources et de très graves tensions entre la communauté paroissiale et un curé d’une intransigeance approchant le fanatisme. Finalement, c’est seulement en 1911 que l’on pourra intervenir, en se bornant à reconstruire le collatéral méridional et à réparer la toiture, les plafonds et divers éléments secondaires.
Dans son état actuel, l’édifice vaut surtout par quelques éléments de son décor et de son mobilier. L’élément principal est le maître-autel. Bien qu’il soit de dimensions modestes, adaptées à l’étroitesse du chevet, son intérêt est accru par le rapprochement possible entre son style et sa date. Mentionné comme « tout neuf » et pas encore doré dans le procès-verbal de la visite pastorale effectuée par Mgr de Suarès d’Aulan le 28 avril 1740, il était donc de très peu antérieur.
De conception résolument néoclassique, il est divisé en trois parties verticales : la dévotion au saint patron est mise en exergue sur le corps central,encadré de deux ailes où des bas-reliefs, représentant l’Éducation de la Vierge par sainte Anne à gauche, et probablement saint Joachim à droite, témoignent du culte marial. Cependant des lignes directrices horizontales divisent également la composition en trois registres. L’un s’aligne sur la table de l’autel, un autre sur le sommet du tabernacle, un troisième correspond à l’entablement qui est ici rectiligne. Les ailes ne s’articulent plus en biais sur le corps central, mais sur un même plan. Des pilastres simples remplacent les colonnes. Le tabernacle ne prend plus la forme d’un retable en miniature, mais celle d’un coffret galbé, dont les ailes latérales sont remplacées par des ornements sculptés sur les panneaux du retable lui-même. Ces différences ne peuvent pas seulement correspondre à la nécessité économique d’un programme réduit, mais sont manifestement la preuve d’une modification des goûts, jusque dans une modeste paroisse. On peut légitimement supposer que, dans son état initial, l’ensemble pouvait être rehaussé par une polychromie dont la trace peut encore subsister sous la terne couleur actuelle.
La nécessité, en 1992, de restaurer la « Charité de saint Martin » peinte sur toile par Louis-Anselme Longa en 1869 pour occuper le panneau central du retable ménagea l’heureuse surprise de faire réapparaître à la même place une peinture murale représentant saint Martin évêque. Peut-être s’agit-il de celle mentionnée en 1740 comme ayant « besoin de réparation ». Le parti pris de laisser apparaître cette œuvre de modeste facture et de présenter dans la nef l’œuvre de Longa, une fois restaurée, est un exemple satisfaisant du possible retour à un état antérieur.
Selon un dispositif qui se retrouve dans bien des églises landaises, une seule table sainte, ici de 15 m de long, réunit le chœur et les chapelles aménagées à l’extrémité des bas-côtés, donnant ainsi au sanctuaire un peu de l’ampleur qui lui manque. Réalisée en bois sculpté, elle se remarque par sa qualité ; des traces de peinture en faux marbre vert permettent d’imaginer son état initial, à l’imitation des tables de communion en marbre. Elle semble postérieure à 1740. On ne peut qu’espérer que les vantaux de sa porte principale, déposés, n’aient pas disparu.
Sans avoir la même qualité, la grille des fonts baptismaux, économique imitation en bois d’un ouvrage de fer, nous montre qu’un modeste élément de mobilier du xixe siècle, témoignage probable d’un savoir-faire local, mérite aussi notre considération.
Les vitraux du chœur, signés de L.-V. Gesta, à Toulouse, et pour lesquels les cartons originaux sont conservés aux Archives départementales de la Haute-Garonne, représentent saint Joseph et saint Martin ; ceux des bas-côtés représentent sainte Quitterie et la Vierge.
Les peintures signées de G. Blanc, réalisées peu après la Seconde Guerre mondiale (Jugement dernier dans le bas-côté sud, illustration de « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent » dans le bas-côté nord, et transposition dans un cadre landais contem-porain du « Laissez venir à moi les petits enfants », au-dessus des fonts baptismaux) mettent en évidence la problématique de la cohabitation d’œuvres d’époques et de qualités différentes.
Alors que, comme nous le voyons de plus en plus souvent, bien des réalisations du xixe siècle, fussent-elles œuvres de série, méritent notre considération, il convient de manifester une certaine circonspection vis-à-vis de réalisations récentes éventuellement passées de mode.
Méritant une réelle remise en valeur de son architecture, qui en fait un édifice de qualité, cette église pourrait donc aussi tirer un bien meilleur parti des éléments de mobilier qui y subsistent.