Historique
Il a existé à Pontonx, près de l’Adour, un monastère Saint-Caprais fondé vers 960 par un vicomte de Tartas, et donné par lui à La Réole et à Fleury. Il n’en subsistait au xviiie siècle que quelques vestiges. À cette époque, l’église paroissiale s’élevait un peu au sud de l’édifice actuel : il s’agissait d’un édifice modeste dont Mgr Le Quien de Laneufville souhaitait déjà en 1775 la reconstruction. Il faudra pourtant attendre 1876 pour que le Conseil municipal lance un concours d’architectes.
L’année suivante, le projet retenu est celui de Charles Dupuy, architecte parisien renommé. Il apparaît suffisamment réussi pour que l’architecte l’expose au Salon en 1882. La première pierre est posée solennellement le 1er mars 1878 par Mgr Delannoy.
Le chantier ne sera pas mené sans heurt. Un contentieux s’élève en effet en 1881 entre la Commune et l’entrepreneur, qui réclame le paiement de travaux supplémentaires ; il provoque l’interruption de la construction jusqu’en 1886. Les travaux s’achèveront enfin en 1888. En dépit d’une simplification du parti, leur coût s’élèvera finalement à 220 000 F, au lieu des 150 000 initialement prévus. L’inauguration, simultanément avec celle du nouveau pont en pierre, eut lieu le 24 juin 1888 en présence de Mgr Delannoy et de nombreuses personnalités.
L’architecture et son décor sculpté
Élément remarquable, la nouvelle église ouvre sa façade au sud et déploie son chevet au nord. Ce choix résulte manifestement d’une volonté non plus de théologie, mais d’urbanisme, qui fait de l’édifice l’élément fort du centre de la ville et le positionne parallèlement au principal axe de communication du département, la nationale 10.
Il s’agit d’un édifice de grandes dimensions, dans lequel une pierre de taille est employée non seulement dans les parties structurantes ‒ les chaînages d’angle, les contreforts, les corniches et bandeaux, les encadrements de fenêtre ‒, mais aussi dans toute la partie basse, les niveaux supérieurs étant construits en moellons enduits.
L’ensemble est totalement homogène. Son plan apparaît clairement à l’extérieur : en forme de croix latine, il est formé d’une nef encadrée de deux collatéraux, avec un transept saillant et, en façade, un grand clocher à quatre niveaux surmonté d’une flèche de pierre. Le style en est clairement gothique : on est en présence de l’église gothique modèle ou rêvée, telle que les Landes en ont déjà édifié une très similaire à Tartas, et une, plus simple, sans transept, à Peyrehorade.
Mais ce parti offre une particularité très originale, la présence d’un déambulatoire associé à un chevet plat, deux éléments dont le premier est unique dans les Landes au xixe siècle, et dont le second ne s’observe qu’à Cagnotte, aux Jacobins de Saint-Sever et dans quelques églises du xive siècle. Au nord, deux absidioles ouvertes sur ce déambulatoire encadrent très curieusement une porte secondaire, là où l’on s’attendrait à une chapelle axiale.
À l’intérieur, les modifications apportées à ce dispositif ne permettent plus d’en reconnaître la signification initiale : en effet, les arcs par lesquels la partie transversale du déambulatoire devait s’ouvrir sur le chœur et ceux par lesquels elle devait communiquer avec les parties latérales ont été murés ; cette partie s’est ainsi trouvée transformée en une vaste salle qui fait office de sacristie ; quant aux parties latérales, elles forment des chapelles ouvertes sur le transept.
Dans les autres parties de l’édifice, la disposition intérieure correspond plus exactement à l’ordonnance extérieure. La nef, formée de cinq travées, est précédée d’un porche ouvert sur l’extérieur, tandis que les collatéraux disposent d’une travée supplémentaire correspondant à la profondeur du porche. Chaque bras du transept est formé de deux travées inégales. Le chœur, très peu profond, n’est formé que d’une seule travée. On notera quelques particularités intéressantes : l’encorbellement de la tribune et celui des escaliers à vis qui desservent la tribune et le clocher ; la niche semi-circulaire ménagée dans l’épaisseur du mur du clocher, qui accentue le caractère de chapelle de la première travée des collatéraux, dont une accueille les fonts baptismaux.
L’élévation intérieure est celle d’une grande église à trois niveaux : au-dessus de grandes arcades ogivales, un triforium véritable ouvre sur les combles, et des fenêtres hautes éclairent l’espace intérieur. Des colonnes libres ou engagées portent les ogives des voûtes. Les supports sont multipliés, y compris lorsqu’ils ne paraissent pas indispensables à l’architecture, comme dans les chapelles du transept.
Le traitement de tous ces éléments témoigne d’une recherche et d’un soin particuliers : les portes secondaires ouvertes dans les collatéraux sont soulignées à l’extérieur par des massifs fortement architecturés, toutes les fenêtres sont encadrées de colonnettes aux chapiteaux sculptés de feuillages, et ce sont de véritables petites rosaces et non plus de simples oculi qui sont ménagées dans les pignons du transept et du chevet.
Les clés de voûte rappellent le souvenir des principaux intervenants dans la construction de l’église : disposées dans une claire hiérarchie ascendante de l’entrée de l’église vers le chœur, elles évoquent successivement dans la nef l’architecte, le maire, le curé, l’évêque et enfin le pape ; à la croisée du transept, le Sacré-Cœur de Jésus est encadré par saint Caprais et saint Vincent dans les bras du transept, et par sainte Eugénie dans le chœur.
Le décor sculpté réalisé en pierre d’Angoulême est particulièrement abondant, mais il témoigne lui aussi de la réduction de moyens subie par le chantier. Alors qu’à l’extérieur, le moindre chapiteau de colonnette est sculpté, à l’intérieur, la quasi totalité des chapiteaux des grandes arcades sont seulement épannelés.
On trouve cependant dans le transept des visages nombreux et d’une facture de qualité. Ils sont l’œuvre d’un jeune sculpteur montois formé à l’École des Beaux-Arts, Saint-Lanne, également auteur de la chaire.
Les peintures murales
Jusqu’aux années cinquante, le chœur et les chapelles de l’église Sainte-Eugénie étaient revêtues de peintures décoratives réalisées en 1888 par Duval, un peintre montois. L’effet devait être proche de celui qui a été préservé à Tartas. Aujourd’hui, le décor peint n’est plus présent que sur des éléments sculptés, bandeaux, culots.
C’est un tout autre ensemble qui retient le regard dès l’entrée, 10 toiles marouflées réalisées par Jean Rigaud (1912-1999). Elles ont été réalisées en deux temps, sans lien apparent entre les deux programmes.
Placées au revers du clocher, Jésus ressuscité apparaissant à Marie-Madeleine et Jésus et la Samaritaine au puits de Jacob auraient été peintes à Paris en 1938, avant la guerre et la captivité de l’artiste.
Les huit autres, qui occupent les écoinçons des cinq grandes arcades, avec chacune deux figures, auraient été peintes à Urt. Dans une disposition manifestement hiérarchique en avançant vers le chœur, elles représentent douze saints et saintes, dont plusieurs landais, puis quatre figures de la Vierge à l’Enfant, avec en arrière-plan un édifice qui aide à l’identification, et quatre anges.
On reconnaît le père Louis Cestac, saint Vincent de Paul, saint Michel Garicoïts, saint Dominique et saint François, saint Louis et sainte Jeanne d’Arc. Les Vierges sont Notre-Dame de Chartres, N.-D. de Maylis, N.-D. de la Garde et N.-D. de Fourvières
Le mobilier
Aucun élément de ce mobilier n’est antérieur à la construction de la nouvelle église. Tout laisse penser que les éléments majeurs ont été dessinés par l’architecte : c’est certain pour le maître-autel et pour les autels secondaires du transept, et c’est probable pour la chaire.
Maître-autel : son décor sculpté en fait une œuvre unique propre à cette église : en effet, si les deux grands bas-reliefs qui entourent le tabernacle représentent des scènes symboliques de l’Eucharistie tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament, les personnages sculptés en haut-relief dans des fausses niches à la base du tombeau autour du Sacré-Cœur sont, à droite une Vierge couronnée et saint Vincent de Paul, à gauche sainte Eugénie et saint Caprais.
Les autels des bras du transept, très simples, présentent sur les ailes des rinceaux de feuillage du même type que ceux du maître-autel ; ils sont dus au sculpteur bayonnais Serignan.
La chaire, d’un dessin néo-gothique sobre, comporte dix panneaux sculptés dans la masse, qui sont l’œuvre de Saint-Lanne.
On peut remarquer aussi deux prie-Dieu magnifiquement sculptés, trois confessionnaux de type néogothique, et un bel ensemble de grilles en fer forgé dont plusieurs ont été malencontreusement retirées.
Les vitraux
Tous créés par les ateliers Dagrand, à Bordeaux, ils ont été réalisés en trois temps. En 1887, on commande 3 « vitraux à personnages », la rosace, 28 « fenêtres grisailles riches », 14 « fenêtres grisailles simples ». Les premières verrières à personnage sont réservées à la patronne principale, sainte Eugénie, à saint Vincent de Paul et à saint Caprais, évêque d’Agen, sous le vocable duquel était placé l’ancien prieuré. La rosace réunit autour du Christ les douze apôtres en médaillons.
En 1909-1911, 8 des verrières du transept sont remplacées par des vitraux à personnage, et en 1913, les bas-côtés reçoivent à leur tour des vitraux à personnage.