L’église de Meilhan n’entre certainement pas dans la catégorie des « églises anciennes » dont l’AEAL s’attache depuis sa création à favoriser la sauvegarde et la mise en valeur. En effet, une restauration menée au début des années 1960 a fait disparaître le dernier témoin de ses origines, une petite fenêtre trilobée du XIVe siècle découverte alors dans le mur nord du chevet.
L’intérêt de l’édifice est ailleurs : il est dans l’introduction d’un nouveau parti architectural et décoratif qui a corrigé la banalité de l’architecture et lui a apporté un air de fête rayonnante favorable aussi bien au recueillement qu’à l’expression d’une liturgie vivante.
Histoire et architecture
L’église Saint-Barthélemy de Meilhan, qui ne figurait pas au XIIe siècle dans la liste des églises du diocèse de Dax transcrite dans le cartulaire de la cathédrale, devait être en construction à l’extrême fin du XIIIe siècle, car, en 1287, un certain Gensac Lambert donna en testament 10 sous à son œuvre.
De ce premier édifice, il ne subsiste sans doute plus rien aujourd’hui. En effet, au cours des années 1844-1860, l’église, qui ne comportait jusque-là qu’une seule nef fermée par un clocher-mur et flanquée de trois chapelles dédiées respectivement au sud à la Vierge, au nord, l’une aux saints Fabien et Sébastien, l’autre à saint Jean-[Baptiste ?], a été agrandie par la construction de deux collatéraux et d’un nouveau clocher carré. avait été profondément modifié dans son parti général.
Un demi-siècle plus tard, en 1894, un projet de nouvelle reconstruction étant abandonné, on a surélevé les murs des collatéraux pour couvrir l’ensemble d’une toiture unique et on a agrandi les fenêtres. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, l’ancien édifice médiéval
Mais il devait l’être beaucoup plus radicalement encore au début des années 1960 par une intervention qui a entièrement renouvelé son économie intérieure.
Cette intervention a été imposée par l’état d’une charpente qui menaçait ruine. Mais le projet initial s’est rapidement développé, au point d’inclure la réalisation d’une imposante charpente apparente, la modification des piles et des arcades, l’ouverture de deux nouvelles arcades dans la nef, et enfin la création d’un remarquable ensemble décoratif et mobilier.
Le programme de vitraux de Raymond Clercq-Roques
Les fenêtres des collatéraux ayant été une nouvelle fois modifiées, on a eu recours, pour les doter de nouveaux vitraux à un verrier d’Albi, Raymond Clercq-Roques. Cet artiste très complet – peintre, fresquiste, sculpteur – avait participé au début des années 1950 avec un groupe d’anciens élèves des Beaux-Arts de Toulouse à un intéressant mouvement de renouveau de l’art sacré dans la région toulousaine. À la différence d’autres membres de ce groupe, il avait par la suite consacré l’essentiel de son activité au vitrail, qui correspondait mieux à son goût pour la lumière et la couleur, en adoptant la technique de la dalle de verre enchâssée dans une armature de béton. À Meilhan, il a réalisé dans cette technique quatre vitraux représentant respectivement : dans les chapelles des collatéraux, la Vierge tenant l’Enfant Jésus dans ses bras, et la Sainte Famille, avec, au premier plan, Joseph tenant deux planches en croix, Jésus jouant à ses pieds et la silhouette de Marie en retrait ; dans les travées suivantes, Jésus offrant le pain et le calice de l’Eucharistie, et le Saint Esprit.
Pour le chœur, l’artiste a conçu une tout autre solution, celle d’un vaste « mur de lumière » occupant toute la surface de l’hémicycle. Pour fournir à cet élément un éclairage suffisant, on a dû agrandir considérable des trois baies existantes et en percer deux nouvelles ; quant au vitrail, pour épouser la courbure de l’abside, il a été divisé en sept pans formés de deux panneaux superposés, eux-mêmes entourés d’un encadrement de demi-rondins.
Sur le plan technique, la surface assez considérable de l’ensemble rendait impossible l’emploi de dalle de verre, trop lourde, malaisée à travailler et ne se prêtant que difficilement à une taille précise et à l’expression de nuances fines. Or, depuis longtemps, R. Clercq-Roques était tenté de recourir au verre mince utilisé traditionnellement pour le vitrail. L’occasion était donc belle d’expérimenter une telle technique. Pour ce faire, on s’adressa à une verrerie belge, qui n’offrait certes qu’une gamme relativement limitée de couleurs, mais une diversité de traitement de surface, lisse, martelé, strié, granuleux, etc. La facilité d’emploi de ce matériau a permis de donner libre cours à la création d’un dessin particulièrement complexe et vigoureux, dont l’armature de béton dessine les traits.
Le thème représenté est un résumé de l’histoire de Jésus, à travers l’évocation des mystères joyeux, douloureux et glorieux du Rosaire, le tout sur un fond de plage, de forêt et de ciel traversé par des rayons lumineux et des anges.
Jésus enfant, debout, bras tendus, à gauche, et Jésus ressuscité, bras ouverts dans un geste d’appel et d’accueil, à droite, encadrent le grand corps de Jésus crucifié, mais la tête encore levée, parce qu’éternellement vivant ; cette dernière figure est coulée en béton blanc.
Cette tentative audacieuse devait se solder par un demi-échec. La différence des coefficients de dilatation du béton et du verre a entraîné des tensions trop fortes pour l’épaisseur de ce dernier, et donc de nombreuses ruptures qui n’ont pu être que très partiellement réparées. Par la suite, ce défaut devait être corrigé grâce à la mise au point d’une colle plastique assurant un lien souple entre le verre et le béton : cette nouvelle technique sera appliquée dès 1962 pour les vastes verrières de l’église Saint-Vincent-de-Paul à Mont-de-Marsan.
L’ambon
Raymond Clercq-Roques a également réalisé dans le chœur un ambon, lieu de la Parole, en utilisant une technique originale, une mosaïque faite de petits carrés de verre à vitrail.
Le thème représenté est celui du chrisme, symbole du Christ : le X et le P, premières lettres du nom grec Christos, ainsi que l’α et l’ω, première et dernière lettres de l’alphabet, et donc résumé de tout le message de Jésus : s’y ajoute le poisson, figuré dès les catacombes de Rome, et dont les lettres du nom grec ίχθυς sont les premières de l’expression en grec « Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur ».
Un mobilier entièrement renouvelé
Au début des travaux, il ne subsistait dans l’édifice aucun élément de mobilier antérieur à la fin du xixe siècle, et les éléments existants étaient de qualité médiocre et généralement en assez mauvais état. Ils ont donc été remplacés en totalité.
Les autels
Les autels anciens et leur tabernacle étaient en stuc et de facture très simple. Ceux du chœur et de la chapelle nord ont été remplacés par de simples tables de granit noir, et l’autel de la chapelle sud a été supprimé. Mais un nouveau tabernacle a été placé contre le mur sud du chœur, le mur de fond de la chapelle nord a reçu une représentation de l’Assomption, et une statue de saint Joseph a été disposée dans un angle de la chapelle sud.
Le tabernacle
Disposée dans un encadrement de bois ciré, l’armoire eucharistique en cuivre est ornée de 4 bas-reliefs en acier représentant les Évangélistes accompagnés de leur symbole. L’auteur n’en est pas connu.
Les statues
Œuvre de Raymond Clercq-Roques, la Vierge de l’Assomption, en bois doré, est représentée les genoux légèrement ployés et les mains tendues en avant, et elle semble ainsi en lévitation, sur un cadre polychrome évoquant une gloire.
La statue de saint Joseph et de l’Enfant Jésus a été réalisée par Gérard et Jackie Lebreton en plaques de céramique de couleur vive.
Le chemin de croix
L’ancien chemin de croix en plâtre polychrome de série a été remplacé par des plaques de cuivre émaillé dont l’auteur n’est pas connu.
L’Église Saint-Vincent de Marsacq
« Le vénérable Grégoire [abbé de Saint-Sever de 1028 à 1072]… a acheté pour deux cents sous à Baudouin le castrum et la villa de Marsacq avec tous les pâquis et les bois… Bernard l’Aîné, avec son fils Dodon, a accordé la moitié de l’église Saint-Vincent de Marsacq. » Ce double texte conservé dans les documents de l’abbaye de Saint-Sever atteste l’existence, dès le milieu du xie siècle, d’une église Saint-Vincent, associée à un habitat fortifié. Cette église, intégrée par la suite au territoire de la commune de Meilhan, se situait à une lieue au nord de l’église Saint-Barthélemy et à quelque 600m seulement de la Midouze.
Au cours d’une visite pastorale de l’édifice, le 9 avril 1742, l’évêque François de Sarret de Gaujac recueillit les doléances des paroisses voisins qui se plaignaient « des excès qui s’y commettoient pour l’ivrognerie aux jours du 1er septembre, 22 janvier, et la dernière fête de la pentecoste, jours auxquels on fesoit une procession » et il « interdit lad. Chapelle jusques a ce que il soit bien averé et reconnu que tous ces abus et scandales ont cessé » ajoutant : « nous ordonnons deplus aux marguiliers en charge de tirer le tronc placé a coté de la fontaine. »
Si l’on reconnaît une valeur à l’image intégrée dans un tableau figurant saint Vincent, qui est aujourd’hui conservé dans la sacristie de l’église Saint-Barthélemy, on peut penser que l’édifice à fenêtre étroites qui est représenté pouvait garder des parties significatives de l’église originelle.
En dépit d’importants travaux réalisés en 1862, l’édifice a presque entièrement disparu au début du siècle suivant ; il n’en subsistait plus en 1938 que le clocher, qui fut alors démoli pour utiliser ses pierres sur un chemin devant faciliter l’accès à Saint-Martin-d’Oney et à sa « gare du Midi »…