En dépit de ses dimensions relativement modestes, l’église Saint-Médard de Geloux présente un intérêt véritablement exceptionnel en raison :
- d’une architecture dont les étapes de la construction répondent aux grandes périodes de l’histoire de la région ;
- d’un décor peint et d’un mobilier de grande qualité dont les particularités iconographiques retracent l’évolution de la sensibilité religieuse au cours des siècles.
L’édifice
L’église Saint-Médard et l’abbaye de Saint-Sever
L’église Saint-Médard apparaît dans l’histoire dans les années 1065-1072, lorsque,
« sous le règne du comte de Gascogne [et duc d’Aquitaine] Gui-Geoffroy-Guillaume et du seigneur Grégoire, abbé de Saint-Sever, en donnant [à l’abbaye] son fils Raimond comme moine, Arnaud-Seguin de Stag a fait don pour toujours à Dieu, à saint Pierre, ainsi qu’au [saint] martyr Sever, de la totalité de l’église de Saint-Médard de Geloux (ecclesia S. Medardi de Gelos), ainsi que d’un paysan. » (P.-D. Du Buisson, Historiæ monasterii S. Severi libri X, Aire, 1976, t. II, p. 181).
Un peu plus tard, vers l’an 1100, une autre donation apportera à la paroisse les ressources nécessaires à son activité, avec des terres et tout le personnel assurant leur exploitation :
« Le jour de la fête de saint Benoît [21 mars], Fort-Garsie de Balerin, considérant que, dans le monde, tout est éphémère et fragile, et désirant, dans la mesure du possible, acquérir, pour lui et pour les siens, un trésor dans les cieux, où les puissants de ce siècle n’ont pas de pouvoir, a fait don à Dieu et à saint Sever, pour le salut de son âme et de celles de son père et de sa mère, de sa terre de Geloux (Geulos), avec Garsie Doat de Toiat et tout ce qu’il y possédait, cultivé ou inculte, ainsi que les serfs, hommes et femmes, et le paysan libre de Benavia.
Témoins de ce don : Suavius, abbé, Talindus de Labarthe, Bernard de Sederinel et toute la congrégation des frères, Guilhem-Raimond, maçon, Anedil de Monpeyroux et beaucoup d’autres. » (ibid., p. 192-193).
Désormais et sans doute jusqu’à la Révolution, l’église va demeurer sous la dépendance de l’abbaye de Saint-Sever, qui en percevra les bénéfices, et en assurera le service et l’entretien.
Au moment de la donation, l’abbaye atteignait l’apogée de sa puissance. Grâce aux libéralités des comtes de Gascogne et de nombreux seigneurs locaux, puis sous l’autorité de l’abbé Grégoire, devenu également évêque de Lescar et de Dax, elle avait étendu ses possessions de Bordeaux et de l’extrémité du Médoc et de l’Agenais, dans les diocèses d’Aire et de Dax, et jusqu’en Navarre, près de Pampelune. Les scribes et les peintres de son scriptorium réalisaient de somptueux manuscrits richement enluminés, et en particulier le Beatus, un commentaire de l’Apocalypse qui est aujourd’hui l’un des trésors de la Bibliothèque nationale de France. Enfin, on commençait alors à reconstruire son église abbatiale selon un parti qui en ferait l’édifice le plus remarquable de tout le Sud-Ouest.
Dépendre d’une institution aussi prestigieuse allait permettre à l’église de Geloux de bénéficier sans doute de l’aide matérielle, mais assurément de l’assistance culturelle et spirituelle qui expliquent certainement la qualité de son architecture, de son décor et de son mobilier.
Cette qualité a été révélée et mise en valeur de 1998 à 2004 par un vaste ensemble de travaux qui ont successivement porté sur l’extérieur et le clocher, puis sur tout l’intérieur et tout le mobilier, et qui ont permis de mettre au jour l’ancien décor peint de la chapelle Notre-Dame.
Une église romane des environs de l’an 1100
C’est sans doute peu après sa donation à Saint-Sever, et donc avant la fin du XIe siècle, que l’on a commencé à reconstruire l’église Saint-Médard. L’édifice actuel conserve des éléments significatifs du vaisseau unique qui la composait à cette époque.
Son abside voûtée est construite en moellons de garluche disposés par lits horizontaux.
Selon un procédé dont on connaît bien d’autres exemples dans la région, l’affaiblissement du mur entraîné par l’ouverture d’une baie dans l’axe a été pallié par la construction d’un large contrefort de moyen appareil, qui, fait exceptionnel, a été ici orné de deux colonnes engagées et de deux chapiteaux sculptés.
À l’intérieur, l’entrée de l’abside voûtée est marquée par de larges piédroits dans lesquels sont engagées des colonnes dont les chapiteaux historiés portent l’arc triomphal.
La nef charpentée conserve son ample volume originel, mais ses murs latéraux et surtout son mur occidental ont été en grande partie refaits au cours de plusieurs ensembles de réfections effectuées pendant les siècles suivants.
La réalisation d’un double système de défense aux xiiie-xive siècles
Après une période marquée par des rivalités locales de faible ampleur, la Gascogne allait entrer, au cours du XIIIe siècle, dans une époque de troubles et de graves conflits. En effet, en 1152, Aliénor, fille et héritière de Guillaume IX, duc d’Aquitaine et de Gascogne, après avoir été répudiée par son époux le roi de France Louis VII, avait épousé Henri Plantagenet, comte d’Anjou, duc de Normandie, et bientôt roi d’Angleterre (1154). Dès le siècle suivant, les territoires apportés par Aliénor allaient devenir l’enjeu d’une lutte de plus de deux siècles entre le roi d’Angleterre, leur suzerain légitime, et le roi de France, désireux d’en retrouver le contrôle. Et cette lutte a été particulièrement âpre en Aquitaine et en Gascogne, où les populations ont été contraintes d’assurer leur défense par la construction de divers types de fortifications, dont beaucoup ont concerné l’église.
Ainsi, à Geloux, on a très tôt entièrement transformé l’extrémité occidentale de la nef, dont le mur de façade a été refait, flanqué dans sa partie nord d’une tour carrée et d’une tourelle contenant un escalier à vis, et renforcé dans sa partie sud d’une partie en encorbellement protégeant la porte. L’ensemble est construit en appareil régulier.
Peu après, à l’autre extrémité de l’édifice, l’abside a été surélevée d’une pièce forte en moellons assez réguliers de calcaire coquillier, percée de meurtrières étroites et couronnée de merlons.
Un dispositif analogue comportant deux extrémités fortifiées certainement reliées par les combles de la nef avait été adopté dans l’église voisine de Saint-Martin-d’Oney. À Geloux, il donne à l’édifice un aspect général très singulier.
Du xvie au xixe siècle : embellissements et agrandissements
La tourmente passée, la Gascogne, comme le reste de la France, est entrée dans une période plus apaisée, permettant à la fois une expansion démographique et une organisation plus sereine des espaces. À Geloux, on a créé, dès la fin du xve siècle, sur le flanc sud de la nef une chapelle épaulée par des contreforts d’angle et couverte d’une voûte d’ogives, et on l’a entièrement décorée de peintures murales.
Les Guerres de Religion ne semblent pas avoir gravement atteint l’édifice lui-même, mais son mobilier a été entièrement saccagé ; il allait être magnifiquement remplacé au cours des XVIIe – XVIIIe siècles, sans doute grâce à l’aide de l’abbaye de Saint-Sever, qui gardait autorité sur l’église.
À la même époque, on a construit sur le flanc sud du chevet, contre la chapelle, un petit réduit à étage qui a fait office de sacristie.
Enfin, le développement démographique a conduit à confier en 1865 à l’architecte Ozanne le soin d’agrandir l’édifice qui s’avérait trop petit : on a alors prolongé la chapelle jusqu’à l’extrémité occidentale pour former un collatéral complet, et on a édifié au nord un second collatéral et une sacristie. Les deux collatéraux ont été mis en communication avec la nef par de grandes arcades.
Le décor et le mobilier
Les diverses phases de la construction de l’édifice qui viennent d’être évoquées ont comporté chacune son propre type de décor et son propre système symbolique et iconographique.
L’église romane originelle
On peut penser qu’à l’origine ou un peu plus tard, l’église romane avait été décorée, comme souvent, de peintures murales ; mais ce décor a entièrement disparu, comme du reste la corniche qui devait ceindre le chevet et les modillons qui la portaient. Seuls donc subsistent quelques éléments du décor sculpté, le bandeau de billettes courant à l’intérieur à la base de la voûte, et quatre chapiteaux historiés.
À l’extérieur, l’un des deux chapiteaux du contrefort porte des lions « souriants » – un thème fréquemment représenté dans l’abbatiale de Saint-Sever et qui évoque sans doute ici une protection contre les forces du mal, qu’ils empêchent de pénétrer dans l’édifice ; sur le second chapiteau, des oiseaux buvant dans un vase symbolisent l’Eucharistie
À l’intérieur, les chapiteaux de l’arc d’entrée représentent divers supplices qui sont autant de symboles des châtiments attendant le pécheur.
Ces divers thèmes ne forment pas un programme cohérent, mais ils s’inscrivent dans les préoccupations d’une époque et d’un milieu – époque et milieu qui sont aussi ceux des premières phases de la construction de l’abbatiale de Saint-Sever – caractérisés par le souci d’assurer la victoire du Bien sur le Mal et d’affirmer un petit nombre de vérités essentielles.
Le décor peint de la chapelle méridionale
C’est un tout autre milieu intellectuel et spirituel que révèle l’examen des vestiges d’un important décor peint qui ont été découverts par des dégagements entrepris en 2002-2004 dans la chapelle méridionale.
Sur les murs et la voûte de cette chapelle, une peinture de la fin du Moyen Âge était appliquée sur l’enduit grossier qui recouvrait l’appareil de pierre ; cette peinture avait été successivement recouverte de plusieurs badigeons de chaux blancs, d’un badigeon de chaux épais additionné de fibres végétales, d’une couche d’ocre jaune, d’une autre couche de badigeon, et enfin d’une peinture à l’huile.
L’enlèvement des diverses couches d’enduits, de badigeons et de peinture a permis de constater que si certaines parties du décor étaient assez bien conservées, d’autres étaient gravement altérées ou avaient entièrement disparu. Ainsi, sur la voûte, le décor d’un des quatre voûtains était presque illisible ; celui du mur ouest avait été en grande partie détruit par l’ouverture d’une grande arcade lors de la construction du collatéral au xixe siècle, ne laissant subsister qu’une petite partie au sommet ; celui du mur sud avait souffert de l’ouverture successivement de deux fenêtres, mais aussi de l’application de deux litres superposées, et de diverses réfections, et il n’en restait que quelques vestiges très partiels à la périphérie ; seul donc était complet celui qui était appliqué sur la surface reliant la voûte à l’arcade ouvrant sur la nef. Mais peu après, la dépose de l’autel et du retable appliqués contre le mur est de la chapelle, pour permettre leur restauration a révélé un nouvel ensemble complétant et éclairant celui déjà découvert.
Tous ces éléments ont été restaurés en respectant pour l’essentiel les principes de la Charte de Venise promulguée par l’UNESCO en 1964, et selon laquelle une restauration doit se limiter à une conservation de l’existant, en facilitant peut-être sa lecture, mais à condition de ne pas nuire à son authenticité. À Geloux, on s’est donc contenté de consolider le support dans le cas de décollements, de nettoyer et de fixer ce qui subsistait, en le traitant pour éviter de nouvelles dégradations ; l’intervention la plus importante a concerné les lacunes, qui ont été rebouchées et, pour certaines, en quelque sorte effacées par la technique très spécifique du tratteggio, en remplaçant les éléments disparus par de simples traits parallèles d’une tonalité inférieure.
Caractéristiques techniques et iconographiques de ces peintures
Il ne s’agit pas de fresques, peintures appliquées sur un enduit à la chaux frais (a fresco), comme au xiie siècle ou plus tard, et parfois de nos jours, mais de peintures à la colle appliquées sur un enduit déjà sec (a secco).
Il est intéressant de s’interroger sur les raisons pour lesquelles on avait jadis choisi de dissimuler cet ensemble : sans doute ces raisons ont-elles été pour une part les dégradations subies, l’usure du temps, et peut-être quelques déprédations par les troupes réformées ; mais la raison principale est sans aucun doute le changement de goût et de sensibilité religieuse intervenu au cours des deux siècles qui ont suivi la réalisation de cette œuvre.
Avec ce programme en effet, on est fort loin du goût pour les simplifications, les oppositions sommaires et l’éclat des couleurs et des ors qui allaient marquer, au XVIIe et au XVIIIe siècle, le mouvement de la Contre-Réforme. Ici, la vénération de la Vierge, qui n’avait cessé de se développer durant tout le Moyen Âge, a bien pris une importance primordiale. Mais elle s’inscrit dans la grande tradition de la théologie chrétienne, aussi bien occidentale qu’orientale, pour qui Marie, très précocement proclamée Θεότοκος, « Mère de Dieu », apparaît par sa maternité comme un élément essentiel dans le plan du Salut.
L’organisation du programme
La mise en œuvre de ce programme portait à l’origine sur la totalité de l’espace architectural de la chapelle – murs, voûte, face des arcs doubleaux et formerets –, où il s’organisait avec une rigueur et une cohérence extrêmes.
Cette rigueur s’exprime tout d’abord par l’application sur l’ensemble des mêmes éléments, pour délimiter et rythmer la composition, et en particulier d’une même frise composée de deux ou de trois rangées imbriquées de demi-cercles, alternativement blancs et ocres, auxquels des petits motifs formés de trois petites tiges noires disposées en éventail donnent une signification végétale. Au sommet des murs, ces éléments sont généralement doublés d’un bandeau portant un ruban plié en zig-zag.
Mais la rigueur du programme s’exprime surtout dans la répartition des scènes sur les diverses surfaces.
Tout s’organise en effet en fonction des thèmes du mur est, qui, dans l’axe et au centre de la composition, expriment l’idée essentielle, le cœur du message donnant son sens à l’ensemble : l’évocation du Salut par le Christ, dans laquelle s’insère discrètement celle du rôle joué par Marie. Cette page magistrale est complétée par la figuration sur la voûte des messagers – les Évangélistes –, et par le contrepoint qu’apporte à la Passion rédemptrice l’image symbolique des Cinq Plaies du Christ représentées au sommet du mur nord.
Au sommet du mur ouest, dans une composition symétrique à celle du Christ en majesté du mur est, la scène de l’Assomption figurait la consécration finale du rôle de Marie. On ignore malheureusement la nature des autres scènes représentées dans la partie inférieure du même mur, et sur la totalité du mur sud, mais les quelques éléments conservés marquent une nette orientation vers la gauche, et comme une invitation à porter les regards vers la vaste composition du mur est.
Le programme du mur est
La composition du décor appliqué sur le mur est s’organise comme celle d’un retable. Elle est divisée en trois registres horizontaux : le registre inférieur est, comme la prédelle d’un retable, moins haut que les deux autres ; il est formé d’un bandeau continu qui devait comporter à l’origine 12 éléments, si l’on en juge par les dimensions de ceux qui sont conservés dans la partie médiane ; le registre intermédiaire comporte au centre, à l’emplacement occupé sur un retable par le tableau, une arcade vide, encadrée par deux scènes disposées à la manière de volets latéraux ; au registre supérieur enfin, un personnage debout est encadré par deux autres prosternés à ses pieds.
Le registre intermédiaire : l’arcade axiale
Le regard est d’emblée attiré par le registre intermédiaire, et tout d’abord par l’arcade qui n’en occupe pas exactement le centre, mais qui est légèrement décalée vers la droite. Avec ses montants et son arc de couleur ocre jaune et son fond ocre rouge dépourvu de tout motif figuré ou décoratif, elle évoque une niche à fond arrondi.
Lors de l’enlèvement du retable, une grande cavité, aujourd’hui fermée, occupait la partie inférieure de cette niche : sans doute s’agissait-il de l’arrachement d’une console destinée à porter une statue ou un objet, dont l’arcade dessinait l’encadrement.
Le registre intermédiaire : la scène de l’Annonciation
Dans les deux personnages séparés par un grand bouquet de la scène de gauche, on reconnaît sans peine la Vierge et l’archange de l’Annonciation.
Marie, vêtue d’une tunique rouge et d’un ample manteau, semble agenouillée. Elle est séparée de l’archange par un grand vase d’acanthes.
Gabriel, qui porte des vêtements liturgiques, est agenouillé devant Marie ; il tient de la main gauche le bâton fleurdelysé du messager, sur lequel s’enroule un phylactère portant les mots Ave Maria, « Je vous salue Marie ».
Luc, 1. 26-35, 38 : Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie.
Il entra et lui dit : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. Et l’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin. »
Mais Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu […] »
Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole ! » Et l’ange la quitta.
Le registre intermédiaire : la scène de la Crucifixion
À l’évocation, par cette scène hautement symbolique, de l’Incarnation du Fils de Dieu, point de départ de l’œuvre du Salut accomplie par Jésus, répond sur la partie droite du registre la représentation de la Crucifixion, accomplissement de sa mission par le sacrifice suprême de sa vie.
Jean, 19. 25-27 : Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.
Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui.
Contrairement au texte de l’évangéliste Jean, le seul qui rapporte l’épisode, et aussi à des figurations plus anecdotiques, la scène se réduit ici aux trois personnages essentiels, comme sur les missels liturgiques de la fin du Moyen Âge.
Le cadre du Golgotha est évoqué par des montagnes stylisées, mais les personnages se détachent sur un fond clair orné de fleurettes.
Au centre, Jésus apparaît vêtu du perizonium, bien noué sur ses reins ; au-dessus, on distingue le titulus sur lequel est inscrit INRI (Iesus Nazarenus Rex Iudeorum, « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs »). À sa gauche, la Vierge, ses bras croisés sur la poitrine exprimant sa douleur, contemple son fils ; au-dessus, on devine le soleil. À droite, Jean, en prière, regarde Marie avec sollicitude.
Au registre supérieur, l’Apparition du Christ Sauveur
Dominant toute la composition, le Christ apparaît debout, dans une mandorle ovale blanche, figurant la gloire du ciel, entre deux anges prosternés à ses pieds ; nimbé, portant les cheveux longs et une barbe courte, il est vêtu d’un manteau blanc qui s’ouvre sur une tunique ocre ; de la main droite, il bénit, index et médium tendus ; sa main gauche est effacée, et on ne sait si elle tenait le Livre, ou le globe de l’Univers.
Cette figuration est plus rare que celle du Christ en majesté, assis sur un trône. Dans le manuscrit du Beatus de Saint-Sever, où cette dernière est reprise plusieurs fois, le Christ n’est représenté qu’une seule fois debout, au folio 29, où l’image illustre le passage de l’Apocalypse, 1, 13 et suiv., qui évoque la vision par Jean du « Fils d’homme » dans l’île de Patmos.
De part et d’autre du Christ, les deux anges vêtus d’amples robes bouffantes sont prosternés à genoux, et ils déploient une de leurs ailes pour encadrer la mandorle.
Au registre inférieur, le Collège apostolique
À l’emplacement de la prédelle d’un retable gothique, on trouve ici un bandeau fractionné en 12 panneaux par des colonnettes dont les chapiteaux de type dorique portent un entablement. À l’intérieur de chaque panneau, un personnage nimbé se détache sur un fond de tentures incurvées donnant une impression de profondeur. L’aspect de ces personnages et surtout leur nombre tel qu’on peut le calculer d’après leurs proportions permettent de les identifier comme les 12 apôtres. On peut toutefois regretter que l’effacement de nombreux détails ne confirme pas cette identification par la présence de leurs attributs : on distingue seulement la croix que porte l’un d’eux, et le livre que tient un autre. À eux seuls, ils évoquent et symbolisent déjà l’Église.
Un programme de caractère essentiellement christologique
Ce dernier élément du programme – la présence du Collège apostolique accompagnant la vision du Christ en gloire – renforce la signification fondamentalement christologique du programme général de la composition appliquée sur le mur est de la chapelle, derrière l’autel.
Dans cette perspective, les deux scènes dans lesquelles figure la Vierge sont parfaitement intégrées à l’ensemble, puisqu’elles marquent à la fois le début et la fin de l’existence terrestre de Jésus, et les deux grands mystères qui la marquent, l’Incarnation et la Rédemption. Cependant, parce qu’elles se situent dans un espace dédié à la Vierge, elles prennent une autre dimension : en illustrant le rôle essentiel joué par Marie dans la vie et dans la mission du Christ, elles confèrent à l’ensemble une signification secondairement mariale, qui était peut-être fortement soulignée par la présence, au centre de la composition, d’une statue de la Vierge.
Le programme de la voûte : Les Évangélistes
Selon une disposition assez fréquente dans les programmes peints de la fin du Moyen Âge, les quatre voûtains de la chapelle méridionale portent chacun dans un médaillon un évangéliste associé à son symbole et à son nom inscrit sur un phylactère. Cette disposition doit bien sûr être ici mise en relation avec la scène voisine du mur est, qu’ils complètent en quelque sorte, en référence avec la vision du Christ entre les quatre Vivants décrite dans l’Apocalypse.
Apoc. 4, 2, 6-8 : À l’instant, je tombai en extase. Voici, un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu’un…
N.B. : Cette image, vue de dessous, est inversée par rapport au plan de la page précédente, censé être vue de dessus.
Au milieu du trône et autour de lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d’yeux par-devant et par-derrière. Le premier Vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant a comme un visage d’homme ; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol…
Ils ne cessent de répéter jour et nuit : « Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, Il était, Il est et Il vient. »
Le rôle éminent des Évangélistes dans la conservation et la transmission du Message de Jésus explique la vénération dont ils ont bénéficié depuis les premiers temps de l’Église. Mais c’est seulement à partir du vie siècle qu’ils ont été associés à des symboles inspirés de la vision de Jean dans l’Apocalypse, elle-même influencée par celle du prophète Ézéchiel (1, 1-28). L’homme a ainsi été attribué à Matthieu, le lion à Marc, le taureau à Luc, l’aigle à Jean.
À ces symboles, sont parfois associés d’autres attributs, un livre ou un rouleau qu’ils tiennent à la main, un pupitre, ou une table portant plume et encrier, devant laquelle ils sont assis.
Sur la voûte de cette chapelle, ils sont représentés assis devant un grand pupitre double, à l’intérieur d’un médaillon entouré des rangées habituelles de demi-cercles décoratifs.
Devant Matthieu assis dans un fauteuil à haut dossier, un petit bonhomme vêtu et coiffé de rouge tient une sorte de canne derrière le pupitre.
Marc est assis dans un fauteuil beaucoup plus simple ; un lion ailé est couché derrière lui.
Curieusement, ce n’est pas un aigle qui accompagne Jean, mais un petit personnage vêtu de blanc : il pose sa main sur l’accoudoir du très beau fauteuil sur lequel l’apôtre est assis.
Le programme du mur nord : Les Cinq Plaies du Christ
La scène rare représentée au sommet du mur nord offre une tonalité toute différente de celle du reste du programme illustrant la chapelle méridionale. Inspirée de la dévotion aux Cinq Plaies du Christ, qui s’était développée au siècle précédent, elle invite à une méditation compatissante sur les souffrances endurées par Jésus au cours de la Crucifixion représentée sur le mur est.
La composition symétrique, conçue comme un décor de tympan, présente de part et d’autre deux anges agenouillés, qui portent triomphalement un écusson inscrit dans un cercle rouge, lui-même entouré d’une couronne de type Renaissance et donc du xvie siècle. Les anges sont vêtus d’un ample manteau de couleur claire, orné d’une collerette et dont les demi-manches bouffantes laissent dépasser les manches rouges de la tunique. Sur l’écusson, les quatre plaies des clous qui ont percé les mains et les pieds encadrent le cœur transpercé par la lance ; de chacune de ces plaies, coulent trois gouttes de sang simplement évoquées par des fines crossettes. Dans les intervalles de la scène, de légers rinceaux de feuillage ocres sont jetés sur un fond plus clair.
Le style très graphique de tous ces détails trahit la main d’un nouveau peintre, sans doute moins habile, mais surtout plus incisif, plus rapide, usant du pinceau comme d’une plume, en particulier pour le dessin des ailes.
Les vestiges du programme du mur ouest : L’Assomption de la Vierge
L’ouverture au xixe siècle d’une grande arcade dans le mur ouest de la chapelle a fait disparaître la majeure partie du décor qui devait y avoir été appliqué, ne laissant subsister que la partie supérieure d’une Assomption. Cette scène, en quelque sorte symétrique du Christ en gloire du mur est, appartenait peut-être à une composition dont l’iconographie plus spécifiquement mariale répondait à celle, essentiellement christologique, qui lui faisait face.
Au centre de la scène, la Vierge apparaît nimbée, vêtue d’une ample cape qui dégage les bras, et les mains jointes dans l’attitude de la prière ; ses longs cheveux retombent sur ses épaules et ses yeux trahissent un léger strabisme. La disparition de la partie inférieure de la scène ne permet pas de savoir quelle était la position du bas de son corps.
De part et d’autre, deux anges agenouillés la soutiennent et l’enlèvent au ciel ; ils déploient largement leur ailes, pour former comme un cadre autour de Marie.
Cette représentation marque l’aboutissement d’une longue évolution iconographique, mais également théologique. On ne trouve en effet dans aucun livre du Nouveau Testament de renseignement sur la fin de la vie terrestre de Marie. À l’origine, l’Église d’Orient ne fêtait et ne représentait que la « Dormition », le « sommeil » de la Vierge, et l’élévation de sa seule âme au ciel.
La croyance à une Assomption corporelle n’est apparue en Orient et en Occident que vers le ixe siècle, et elle a été très lente à s’imposer, sous l’influence en particulier de quelques grands théologiens. Elle n’a finalement été reconnue comme un dogme qu’en 1950. Mais les artistes avaient largement anticipé sur cette proclamation, en particulier au cours du mouvement de Contre-Réforme, pour affirmer la légitimité de célébrer Marie, contestée par les protestants. Le contexte est ici différent : il faut sans doute voir dans le choix de cette scène la simple preuve de la vitalité toujours active à cette époque d’une profonde dévotion filiale à l’égard de la Vierge.
Les vestiges du programme du mur sud
Les quelques éléments qui subsistent sur le mur sud permettent de penser qu’un important programme y avait été mis en œuvre ; mais la gravité des destructions subies rendrait vaine toute tentative d’en imaginer fût-ce les grandes lignes. On peut seulement supposer qu’il comportait deux registres historiés, qu’une inscription sépare d’un troisième décoré d’une fausse tenture.
La partie gauche du mur est la seule dans laquelle les registres historiés soient tous deux représentés par quelques vestiges. Sous la voûte, on peut voir le buste d’un ange aux ailes largement déployées, qui souffle dans une trompette droite. À côté, un fragment de phylactère porte les lettres JE ET ( ?).
On doit noter que l’ange ne se tourne pas vers le centre probable de la scène, mais vers sa droite, c’est-à-dire vers le mur est.
Plus bas, près de l’angle du registre inférieur, un personnage – une femme semble-t-il –, séparé du registre supérieur par un bandeau à décor végétal, apparaît vêtu d’un manteau agrafé sous le menton. Il tient de ses mains voilées un livre ouvert appliqué sur sa poitrine. La direction de son regard tourné, comme celui de l’ange, vers sa droite, c’est-à-dire vers le mur est, et non, comme on pourrait l’attendre, vers le reste de la scène auquel il appartenait, semble indiquer une relation à définir avec le thème de ce mur est.
La partie inférieure de l’image est malheureusement brouillée par les bandes sombres de deux litres funéraires qui avaient été successivement appliquées sur ce mur, et peut-être sur tout le pourtour de la chapelle.
Les éléments conservés à l’extrémité droite du mur appartenaient aux deux registres inférieurs.
La scène représentée dans le registre médian est bien délimitée, contre le mur par un cadre double et par le ruban plié que l’on retrouve sur tous les murs, en haut par le bandeau à décor végétal observé à l’autre extrémité, en bas par la bande bordée par deux galons ocre qui porte l’inscription. Au-dessous, se déploie le large plissé de la tenture donnant à l’ensemble de la composition une impression de profondeur.
Le fragment de la scène historiée représente la partie supérieure de deux personnages nimbés qui semblent s’avancer l’un derrière l’autre vers la gauche.
Devant, un homme aux cheveux bouclés est vêtu d’un manteau agrafé dans le haut. Derrière, une femme dont le voile couvrant ses cheveux tombe sur la poitrine semble tenir contre sa poitrine ce qui pourrait être un enfant – l’Enfant-Jésus ? Peut-être est-on en présence des restes d’une Fuite en Égypte, malheureusement très incomplète, et dont certains éléments, comme le petit motif disposé au-dessus sont bien difficiles à identifier.
Ici encore, le bas de la scène est masqué par la bande noire des deux litres, indiquant peut-être la destination funéraire de cette chapelle, pour les seigneurs de Campet dont l’église a dépendu à une certaine époque.
L’orientation des trois scènes conservées sur ce mur montre bien une relation avec celles du mur est. Cette relation est peut-être de nature iconographique pour les deux qui sont les plus proches de ce mur ; elle est sans doute plus ténue pour celle de l’extrémité opposée, qui, en suggérant un mouvement vers la gauche, contribue peut-être seulement à donner un sens de lecture à l’ensemble du programme de la chapelle, conduisant d’ouest en est, vers l’autel et son cadre si riche de sens.
La réalisation d’un riche mobilier au cours des xviie-xixe siècles
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, l’église de Geloux a été dotée d’un mobilier abondant, de grand intérêt et, pour sa majeure partie, d’origine. Un rapprochement avec le procès-verbal de la visite pastorale effectuée le 20 octobre 1751 par Mgr de Sarret de Gaujac, évêque d’Aire, permet en effet d’identifier avec vraisemblance plusieurs éléments toujours en place. Cette précieuse datation n’est pas seulement utile à la connaissance de l’édifice, mais elle donne des repères importants pour l’étude du mobilier religieux landais de la Contre-Réforme.
Une iconographie renouvelée
C’est en effet une volonté de réaction aux thèses et aux entreprises de la Réforme protestante qui explique pour l’essentiel l’esprit dans lequel a été conçu ce mobilier : au rejet du culte de la Vierge et des saints, au refus – et à la destruction – de leurs images et des riches décors qui les accompagnaient, on veut opposer une affirmation répétée du rôle des saints protecteurs célestes, et une vénération de leurs représentations, le tout dans le cadre souvent somptueux de l’art baroque.
Cet accent mis sur la dévotion aux saints et à leurs images tranche avec les choix iconographiques que révèlent les autres figurations que conserve l’édifice. Dans la partie romane, les chapiteaux du contrefort d’axe demeuraient essentiellement symboliques : si les oiseaux buvant dans un vase évoquaient clairement l’Eucharistie, la signification des lions était plus ambiguë. À l’intérieur, les chapiteaux de l’arc d’entrée rappelaient les dangers encourus par le pécheur, menacé de supplices divers à la fin des temps.
À la différence de plusieurs ensembles contemporains marqués par un souci anecdotique ou moralisateur – ainsi dans l’église toute proche de Suzan, où une place assez large est faite aux représentations des Péchés capitaux et des Œuvres de miséricorde –, le décor peint de la chapelle de la Vierge de Geloux présente une haute valeur théologique et spirituelle, certainement due à l’influence de l’abbaye qui a dû l’inspirer : les quelques scènes conservées de la vie terrestre de la Vierge y apparaissent insérées dans une évocation affirmée du Plan du Salut qui leur donne toute leur signification.
Tout différent est l’esprit qui préside aux choix iconographiques du nouveau mobilier. Si la Vierge est bien sûr présente, c’est dans l’évocation de son enfance, par la présence de ses parents, Joachim et Anne, sur le retable latéral. Certes, le Christ ressuscité apparaît, ainsi que l’Eucharistie – sous la forme d’un ostensoir sur la porte du tabernacle –, Jean le Baptiste, et même Dieu le Père. On voit aussi saint Pierre et saint Paul, colonnes de cette Église de Rome contre laquelle se sont révoltés les réformateurs protestants. Mais la figure essentielle, puisque représentée 5 fois, est celle du saint patron de l’église, Médard, auquel est 3 fois associé l’anecdotique et légendaire saint Georges.
Les quelques apports du XIXe et du XXe siècle demeureront assez fidèles à cet esprit : un tableau et trois vitraux illustrent les dévotions qui marquaient le plus profondément la vie spirituelle des chrétiens de ces époques.
Le mobilier du chœur
Le mobilier qui occupe le chœur de l’église forme un ensemble exceptionnellement complet, réalisé en plusieurs étapes. L’autel, le tabernacle et le retable sont antérieurs à 1751, mais alors que le tabernacle et le retable appartiennent au style baroque et peuvent dater de la fin du XVIIe siècle ou du tout début du suivant, l’autel, au décor nettement rocaille, leur est postérieur. Quant aux boiseries de style Louis xv incorporant le siège du célébrant et de ses assistants, au sud, et un banc du côté opposé, elles sont de la seconde moitié du XVIIIe.
L’autel
Adossé au retable, l’autel-tombeau galbé, à décor de faux marbres, a pour principal ornement un médaillon central à l’effigie d’un saint évêque, dans lequel il faut voir une première représentation de saint Médard, patron de la paroisse.
Le tabernacle
L’autel supporte un tabernacle-retable dont la composition est courante : le coffret eucharistique, encadré de deux ailes, est surmonté d’un pavillon pour l’exposition du Saint Sacrement ; huit colonnettes torses et quatre niches abritant des statuettes le rythment.
Hormis sa porte, qui n’est décorée que d’un ostensoir en bas-relief, le tabernacle est orné d’une iconographie abondante et cohérente qui en fait une véritable page de catéchèse, inscrite sur un meuble coûteux, réalisé spécialement pour cette église.
Du côté gauche, la statuette de saint Pierre, à l’extrémité de l’aile, a pour pendant la statuette de saint Paul, sur le côté du tabernacle.
Ces deux « colonnes de l’Église » encadrent un bas-relief représentant de nouveau saint Médard.
À droite, la statuette de saint Jean-Baptiste, patron de l’ancien diocèse d’Aire, placée sur le tabernacle, a pour pendant celle de l’autre Jean, l’évangéliste à l’extrémité de l’aile.
Toutes deux encadrent un bas-relief représentant saint Georges terrassant le dragon, second patron de la paroisse.
Le dôme du pavillon d’exposition, aujourd’hui déposé à l’intérieur de ce dernier, est couronné par le Christ ressuscité de Pâques, qui dominait toute la composition.
La facture des sculptures est inégale, le Christ et les statuettes –dont celle de Jean-Baptiste – traduisant une maîtrise dont ne témoignent pas les bas-reliefs.
Le retable
Le retable est architecturé selon l’habituelle composition tripartite. Les courtes ailes forment avec la large partie centrale deux angles obtus, selon la disposition la plus adaptée à une abside semi-circulaire. Le corps central est encadré de deux colonnes aux chapiteaux corinthiens dont les deux tiers inférieurs sont rainurés et la partie inférieure sculptée de pampres de vigne. Elles supportent un entablement droit couronné d’un angelot avec deux maigres pots-à-feu en amortissement des colonnes.
Au centre, une toile remplace depuis 1949 un tableau ancien dont seul le cadre a été conservé.
Réalisée par un peintre du nom de Messugue sur commande d’une famille de Geloux, elle représente le Christ en croix, entouré de sa Mère qui le contemple avec tristesse, et de Jean, tourné vers Marie et tendant la main vers elle dans un geste d’affection.
De part et d’autre, les deux larrons n’ont trouvé que partiellement place contre le cadre.
Deux statues de bois polychrome et doré, placées devant des niches peu profondes, à gauche saint Médard, et à droite saint Georges, sont le principal ornement de chacune des ailes, terminées par un pilastre cannelé, amorti par un autre pot-à-feu.
Malgré la maladresse de leur facture populaire, elles ont un charme certain, en particulier le saint Georges qui, avec son casque-turban et son épée à lame ondoyante, n’est pas sans rappeler les guerriers romains des opéras baroques.
Selon une Vita du viie siècle, Médard, né à Salency (Picardie) dans le dernier quart du ve siècle, évangélisa la Picardie et fut élu évêque de Noyon vers 548. Lorsque la reine Radegonde quitta son époux Clotaire Ier pour entrer dans la vie religieuse, il la consacra diaconesse. Il mourut vers 560 et fut enterré à Saint-Médard de Soissons.
De Noyon et de Soissons, son culte a rayonné à travers toute la France, où de nombreuses communes portent son nom. Dans le diocèse d’Aire, on ne compte pas moins de 7 églises qui lui sont consacrées – Bostens dans la commune de Bascons, Laglorieuse et son annexe de Meignos, Beaussiet, dans la commune de Mazerolles, Labrit, et Saint-Médard-de-Beausse à Mont-de-Marsan. On ignore les raisons de cette faveur, mais il faut noter que Saint-Médard-de-Beausse dépendait, comme Geloux, de l’abbaye de Saint-Sever.
D’après une croyance populaire, s’il pleut le jour de la fête de saint Médard, le 8 juin, la pluie dure quarante jours. Il est le patron des cultivateurs.
À la différence de Médard, Georges est un saint purement légendaire, dont l’existence a été mise en doute dès le ve siècle. La légende le fait naître en Cappadoce de parents chrétiens. Officier dans l’armée romaine, il aurait traversé une ville terrorisée par un redoutable dragon qui dévorait tous les animaux et exigeait des habitants un tribut quotidien de deux jeunes gens tirés au sort. Le sort étant tombé sur la fille du roi, Georges livra au dragon un combat acharné et finit par triompher avec l’aide de Dieu. Plus tard, il aurait subi sous l’empereur Dioclétien des supplices effroyables en raison de sa foi, et, comme il vivait encore, il finit par être décapité.
Son culte, né en Orient, est toujours resté très vivace en Grèce et en Russie. Les croisades ont contribué à le diffuser en Occident, où Georges est devenu un des saints patrons de Gênes, Venise, Barcelone, puis le saint national de l’Angleterre.
Considéré également comme le patron des chevaliers, il est représenté à cheval, en armure, et portant souvent un écu et une bannière. Mais son combat symbolise la victoire de la Foi sur le Mal, figuré par le dragon qu’il terrasse.
Cet décor complexe présente quelques anomalies significatives : ainsi, la base des grandes statues est légèrement inadaptée à leur socle, la moulure qui encadre leur fausse niche est dénuée d’amortissement, comme si ces socles avaient été prévus pour des statues plus petites et si les niches avaient été agrandies en conséquence ; les pots-à-feu sont trop petits par rapport à l’entablement. Mais ces quelques imperfections, et les différences de qualité de certains éléments n’enlèvent rien à l’intérêt de ce remarquable ensemble.
La table de communion
Au XIXe siècle, le chœur a été fermé et relié à ceux des chapelles latérales placées à l’extrémité des bas-côtés par une riche table de communion en fer et fonte.
Cette disposition fréquente dans les églises landaises et que l’on retrouve dans l’église voisine de Saint-Martin-d’Oney, avait été supprimée dans les années 1950.
Elle a été heureusement rétablie par la récente restauration.
L’autel et le retable de la Vierge
L’ensemble formé par l’autel et le retable dédiés à la Vierge qui sont aujourd’hui appliqués sur le mur oriental du collatéral nord occupait jusqu’en 2002 l’emplacement auquel il était destiné, la chapelle de la Vierge dans le collatéral sud.
Comme ces éléments nécessitaient une restauration importante, ils ont dû être déposés, et c’est alors que l’on a découvert qu’ils dissimulaient un ensemble de peintures murales étroitement lié au programme décoratif déjà dégagé sur les autres murs et sur la voûte de la chapelle. Estimant que l’on ne pouvait envisager d’amputer ce programme d’un élément aussi essentiel, la décision a été prise de remonter autel et retable dans la chapelle symétrique du collatéral nord, jusque-là dédiée à saint Joseph, mais qui ne comportait qu’un grand autel de marbre blanc orné de motifs dorés à la manière de la fin du XIXe siècle.
Ce déplacement explique deux anomalies que l’on peut constater : la mauvaise adaptation du retable au mur sur lequel il est appliqué, qui est plus haut que celui de la chapelle sud ; la présence d’un vitrail figurant saint Joseph.
Contrairement à l’autel et au retable majeurs, ce petit ensemble a été composé, peut-être en 1854, avec plusieurs éléments d’époque et de qualité différentes. C’est en effet à cette date que Longa a peint, d’après Poussin, l’Assomption de la Vierge qui constitue la partie centrale du décor mural tenant lieu de retable.
Cette toile, adaptée à un beau cadre en bois sculpté et doré du XVIIIe siècle, est encadrée de deux chutes de feuillages en bas-relief de la même époque, tandis que les deux pilastres composites, l’entablement qu’ils supportent et la gloire qui les surmonte pourraient ne dater que du XIXe.
Un autel du même siècle, mais galbé pour se rapprocher des modèles antérieurs, y est adossé.
Louis, Anselme Longa (1809-1869), est né et décédé à Mont-de-Marsan où il avait un atelier de peinture. Formé à l’école de Beaux-Arts de Paris, il a exposé régulièrement au Salon de 1835 à 1848. Nommé professeur de dessin au collège, puis au lycée de Mont-de-Marsan, il a représenté de nombreux sujets historiques, des portraits de notables, et des peintures religieuses, souvent inspirées du Titien, de Poussin ou de Raphaël, et encore visibles dans bon nombre d’églises des environs de Mont-de-Marsan. Il convient de citer notamment la décoration du chœur et des chapelles de l’église de Tartas. Il a enfin réalisé une importante œuvre ethnographique, sur les Landes – paysages, mœurs, coutumes –, mais aussi sur l’Algérie où il a résidé quelques temps.
Mais il faut surtout remarquer les deux très belles statues placées de part et d’autre. À sainte Anne fait pendant un saint âgé dans lequel il faut reconnaître plutôt saint Joachim que saint Joseph, comme le laisse croire le lys ajouté plus tardivement.
D’un mouvement tout baroque, ces statues traduisent une facture bien plus savante que celle des sculptures du chœur.
Leurs dimensions, inadaptées à leur position actuelle, sont une indication supplémentaire pour supposer qu’elles proviennent d’un grand retable d’une autre église.
La chapelle des fonts baptismaux
Au fond du collatéral sud, la restauration récente de la chapelle des fonts baptismaux a révélé les particularités et la qualité d’un décor aujourd’hui assez exceptionnel dans la région.
Les fonts eux-mêmes ont la forme assez banale d’une vasque en marbre gris des Pyrénées.
La relation du baptême des futurs chrétiens avec celui du Christ est, comme très souvent, explicitée par une représentation figurée, qui prend ici la forme d’un bas-relief doré et polychromé de belle qualité. Jean-Baptiste, qui porte les cheveux longs et une courte barbe, apparaît selon la tradition vêtu d’une robe de bure marron, bordée d’une peau d’agneau au col et sur l’épaule droite, et serrée à la taille par une ceinture de crin ; debout sur un rocher, mais le genou droit appuyé sur un arbre coupé, il tend la main droite au-dessus de Jésus et laisse couler d’une coquille sur sa tête l’eau du baptême.
Jésus porte lui aussi les cheveux longs et une courte barbe ; il incline la tête et pose ses mains sur sa poitrine dans un geste gracieux ; debout dans l’eau du Jourdain, il n’a d’autre vêtement qu’une longue bande de lin blanc nouée sur sa ceinture et passant ensuite sur son bras gauche.
Au-dessus de la scène, la colombe de l’Esprit-Saint descend du ciel représenté par des nuages.
Le cadre important de cette œuvre, avec ses volutes et ses rinceaux d’acanthe, ses chutes de feuilles et les guirlandes qui les couronnent, est aujourd’hui isolé, mais on peut penser qu’il a appartenu à un ensemble de menuiserie qui pouvait aussi habiller la cuve baptismale, suivant un dispositif rare dans les Landes, mais fréquent dans le piémont pyrénéen.
La chapelle est fermée par une clôture aux balustres en bois tourné et panneaux déjà en place en 1751, et qui, avant les travaux récents, était peinte en faux bois marron. Son nettoyage et sa restauration ont révélé un décor charmant, imitant de manière totalement fantaisiste des marbres de couleur, et ornant aussi bien les fines colonnettes de la partie supérieure que les petits panneaux de la partie inférieure et le revers de la porte. Tous ces éléments sont encadrés par des montants et des traverses peints en vieux rouge.
Au-dessus de la porte, un cartouche porte en relief l’inscription iannua cœli « Porte du Ciel » permettant d’accéder au baptême, et d’être ainsi intégré au corps du Christ, lui-même Porte, mais aussi Route, Vérité et Vie, pour conduire au Ciel.
Dieu le Père
Un haut-relief jadis placé dans la chapelle des fonts baptismaux a été remonté au-dessus du pilier central séparant la nef du collatéral nord. On ignore sa provenance, mais ses grandes dimensions et son iconographie – le buste de Dieu le Père tenant le globe terrestre dans sa main gauche et bénissant de la droite – permettent de penser qu’il couronnait un très grand retable qui aurait difficilement trouvé sa place dans l’église de Geloux.
Les vitraux
Les fenêtres de l’église Saint-Médard sont ornées de trois vitraux historiés et de deux vitraux décoratifs.
Deux des vitraux historiés, qui figurent respectivement la Vierge et saint Joseph, sont placés dans les chapelles correspondantes des collatéraux. Bien que seul celui de la Vierge porte deux inscriptions, anno domini mdccclxxvi et g.p. dagrand bordeaux, les parentés que présente avec lui celui de saint Joseph permettent de lui attribuer la même date et la même origine. Dans les deux cas, les grandes figures s’inscrivent sur un fond bleu à l’intérieur d’une haute mandorle quadrilobée, elle-même entourée d’un arc plein cintre, l’intervalle au-dessus et au-dessous étant garni de rinceaux de feuillages et de rosaces de couleur. L’ensemble est entouré d’une bordure de petites fleurs blanches.
La Vierge – immaculata conceptio (la définition de l’Immaculée Conception avait eu lieu en 1854) – se tient debout sur des coussins sur lesquels est placé un mince croissant de lune ; elle croise les mains sur la poitrine, et tient sa tête voilée et nimbée légèrement inclinée. Elle est vêtue d’une tunique écrue et d’un ample manteau bleu semé d’étoiles, doublé de rouge et bordé de galons ornés de pierres précieuses.
Saint Joseph – stus josephus – appuie sa tête nimbée sur celle de l’Enfant-Jésus également nimbé et bénissant, qu’il porte sur son bras gauche, sa main droite tenant un lys blanc symbole de chasteté. Il est vêtu d’une tunique beige et d’un manteau rouge doublé de vert et bordé d’un galon perlé.
Le troisième vitrail est d’une tout autre facture.
Beaucoup plus petit, il orne la fenêtre rectangulaire percée dans le mur sud du chœur.
Une inscription indique en caractères gothiques : « St Michel, offert en reconnaissance par la famille Maurice Narran […] aux ateliers Mauméjean ». La date n’est malheureusement pas visible.
Saint Michel, nimbé et revêtu d’une armure et d’un manteau rouge, ses ailes de couleur verte repliées de part et d’autre, enfonce à deux mains sa lance dans la gueule du dragon démoniaque, qu’il maintient sous son pied gauche.
De rares fleurs percent entre les pierres du sol.
Gustave-Pierre Dagrant (1839-1915) a créé un atelier de verrier à Bayonne en 1864, puis à Bordeaux en 1885. Il a réalisé de nombreux vitraux pour des églises landaises (Hagetmau, Saint-Vincent-de-Xaintes à Dax, Maylis), mais également bordelaises et espagnoles.
Jules-Pierre Mauméjean a fondé un premier atelier à Pau en 1860, un second à Anglet en 1890 puis Biarritz en 1893.
Son activité a débordé du Sud-Ouest dans toute la France et en Espagne.
Son fils aîné Joseph, dit José, a exercé son art à Madrid, Barcelone, Saint-Sébastien, Hendaye. L’activité de ces divers ateliers s’est ainsi prolongée de 1860 à 1970.
On leur doit de nombreux vitraux ornant des églises landaises.
La porte d’entrée
La porte d’entrée de Geloux appartient à un groupe important dont on retrouve des exemplaires à partir du dernier quart du XVIIe siècle dans de nombreuses églises landaises, en particulier dans la région de Mont-de-Marsan. C’est en effet à des sculpteurs montois que l’on doit ces œuvres, qui présentent entre elles de grandes parentés : des panneaux menuisés dans la partie inférieure, un motif central représentant une tête de lion, une rosace ou des compositions de feuillages, des panneaux supérieures figurant deux saints, dont le patron de l’église.
À Geloux, les panneaux inférieurs assemblent quatre carrés posés sur la pointe ; au centre, un panneau rectangulaire et un panneau carré portent de courts rinceaux traités comme des éléments de ferronnerie.
Le montant médian porte une chute de feuillage.
Enfin, les panneaux supérieurs répètent une nouvelle fois en bas-relief, les images des saints patrons, saint Médard et saint Georges.
Bien que mutilés, ces reliefs révèlent une grande finesse d’exécution.
Côté évangile, saint Médard, vêtu d’un souple manteau, la tête couverte de la mitre, tient la crosse de la main droite, un livre de la gauche ; côté épître, Saint Georges, cuirassé et coiffé d’un casque empanaché, tient une lourde lance de la main droite, et de la gauche les rênes d’un élégant destrier qui s’avance en foulant un être difficile à identifier.
Le style de ces divers éléments permet de les dater de la première moitié du XVIIIe siècle.
Les meubles
Outre ces pièces de mobilier majeures, on peut aussi remarquer dans l’église un confessionnal à la corniche galbée, dans le style Louis XV, ainsi que dans la sacristie deux armoires, peut-être d’origine profane, et un monumental chasublier surmonté d’une crédence, œuvres du xviiie siècle.
On peut en revanche déplorer la disparition de la chaire à prêcher.