Sortie du dimanche 5 octobre 2014
Les deux églises de la paroisse de Labenne-Capbreton sont les deux seules du département à être dédiées à saint Nicolas. Cette titulature implique une paroisse de création relativement récente (XIIe/XIIIe), car ce patronage si original pour les Landes ne fut en vogue qu’à la fin du XIe siècle seulement, après la translation des reliques du saint de Myre en Asie Mineure à Bari dans le sud de l’Italie. Devenu dès lors l’un des saints les plus populaires de la chrétienté, une foule de gens le choisirent pour saint patron, et parmi eux, les marins de Capbreton. C’est d’ailleurs l’un de ses attributs, une imposante ancre de marine, qui orne le pavé du porche pour rappeler que nous sommes ici dans une paroisse maritime.
L’église de Capbreton a été rebâtie une première fois en 1539 sur l’emplacement de l’église primitive. Déjà y était accolée une tour de guet, servant aussi d’amer pour les navires. Cette tour, carrée à l’origine, fut détruite par la foudre en 1824 et reconstruite en 1826 sous sa forme cylindrique actuelle.
En 1866, l’église fut transformée et agrandie sur les plans de l’architecte Ozanne, ne conservant de celle du XVIe siècle que la porte Renaissance qui sépare le porche de la nef. C’est sous l’impulsion du curé Jean-Baptiste Gabarra, curé de Capbreton de 1875 à 1925, que l’église du XIXe reçut la plus grande partie de sa très riche décoration actuelle.
Les peintures murales sont l’œuvre des frères Jules-Bertrand et Gaston Gélibert, peintres animaliers, et de leur ami Claude Drouillard. Elles représentent pour la plupart des scènes de la vie du Christ : La pêche miraculeuse, Descente de croix et mise au tombeau, La fuite en Égypte, Jésus marchant sur les flots.
Et bien évidemment les épisodes de la vie de saint Nicolas les plus connus, son apparence physique variant selon son âge et les miracles accomplis : jeune homme charitable à tête d’ange (Saint Nicolas et les trois jeunes filles pauvres), prélat revêtu des habits épiscopaux tenant en main la crosse pastorale (Saint Nicolas et les sacs de blé), ou encore auguste vieillard drapé de blanc et nimbé de l’auréole, symbole de la sainteté (Saint Nicolas sauvant un navire du naufrage).
On admirera aussi le grandiose tableau de Jules-Bertrand Gélibert, classé monument historique, La conversion de Saint Hubert, thème qui lui avait été « soufflé » par le curé Jean-Baptiste Gabarra et Le naufrage de son frère Gaston, épisode de la vie maritime à la fois familier et redouté des marins capbretonnais.
Une des originalités de l’église de Capbreton est constituée par les trois rangées de plaques commémoratives qui tapissent les bas-côtés de la nef. Contrairement à l’idée reçue, ce ne sont pas des ex-voto, elles consignent simplement les noms des 1062 Capbretonnais inhumés dans l’édifice de 1533 à 1752.
Ces listes, établies par le curé Jean-Baptiste Gabarra, ont été gravées sur des plaques de terre cuite par le sculpteur Clément d’Astanières et sur des plaques de bois par l’ingénieur danois Svend Steenstrup.
On notera qu’en 1678 fut inhumé dans l’église le prêtre et prébendier François Depaul « neveu de Monsieur Vincent, fondateur de la congrégation des prêtres de la Mission ». Dans le porche, quelques plaques de marbre portent les noms de Capbretonnais morts en mer dans des circonstances tragiques, victimes de noyades, de naufrages, de guerres maritimes ou encore esclaves des corsaires barbaresques.
Parmi les richesses de Saint-Nicolas, on signalera une Pietà en bois polychrome classée de la fin du xve siècle, vraisemblablement statue d’une confrérie de Notre-Dame de Pitié fondée en 1492.
Et, provenant de l’église disparue Saint-Jean de Bouret, une cloche fondue en 1483, étudiée avec grande minutie par Jean-Pierre Suau et définie par lui comme la cloche historiée la plus ancienne des Landes.
Dédiée à sainte Marie-Madeleine (elle porte l’inscription Santa M Magdalena ora pro nobis), on y voit l’Homme de douleurs, le Christ debout, mains liées, torse nu et probablement couronné d’épines, émerger à mi-corps du tombeau.
Scène de souffrance complétée par une image protectrice, celle de sa Mère : La Vierge debout, tient sur son bras gauche Jésus nimbé portant le globe crucifère.
Au-dessus de la tête de Marie, un ange y dépose une petite couronne.
Cette Vierge à l’Enfant est typique de l’époque médiévale, où il était fréquent de mélanger en l’honneur de la Vierge, à la fois son couronnement et l’incarnation de son Fils.
De la même église de Bouret proviendrait le pathétique Christ du chœur, daté du xiiie ou du xive siècle. Il est utile de savoir que c’est au hameau de Bouret que se fixa vraisemblablement, tout près de l’embouchure de l’Adour, le premier noyau de population, autour d’une maison templière passée plus tard aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Les Hospitaliers transformèrent en église la chapelle templière dédiée à sainte Marie-Madeleine, église qui prit le nom de « Saint-Jean de Bouret ». Elle comportait trois autels, dédiés respectivement à sainte Marie-Madeleine, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine d’Alexandrie. Dans Saint-Nicolas, le curé Jean-Baptiste Gabarra voulut que soit « réactivé » le culte des trois saints de l’église disparue, qui sont depuis les patrons secondaires de l’église actuelle. Aussi voit-on dans le chœur deux fresques de Jules-Bertrand Gélibert : Sainte Madeleine au désert et Saint-Jean Baptiste au désert ; et, encadrant la porte latérale, quatre scènes de Gaston Gélibert illustrant la vie et le martyre de sainte Catherine d’Alexandrie.
Les trois saints de Bouret sont également présents dans la grande rosace sud due au peintre-verrier G. P. Dagrant. Cette rosace, particulièrement originale, peut-être même unique dans notre département, regroupe, outre les figures de saint Nicolas et des saints précités, les saints « landais »: saint Vincent de Xaintes, saint Vincent de Paul, saint Vincent de Saragosse (patron de l’église de Saint-Vincent-de-Tyrosse, chef-lieu du doyenné), sainte Quitterie et Notre-Dame-de-Buglose.
Comme autres curiosités, on retiendra la porte dite des Cagots qui s’ouvrait autrefois au pied de la tour ; et ornant une clef de voûte, le blason de Capbreton entouré de quatre baleines stylisées, puisqu’aux temps où les pêcheurs du lieu chassaient l’énorme cétacé à proximité de leurs côtes, la coutume voulait que, par dévotion, ils offrent à l’église les langues de baleine, la partie de la bête la meilleure à manger, espérant ainsi que Dieu bénisse leur labeur et les sauve des grands périls auxquels cette pêche les exposait.
En 1870, l’abbé Légé, alors curé de Linxe, disait de l’église de Capbreton : « C’est la plus belle de toutes celles bâties depuis quinze ans dans la lande, elle fait honneur à ses habitants et sera toujours le plus bel ornement du lieu ».
C’est toujours vrai aujourd’hui.
Marie-Claire Duviella