Le Livre rouge de la cathédrale de Dax mentionne vers le milieu du xiie siècle deux églises situées sur le territoire de l’actuelle commune d’Amou : Sanctus Petrus de Mor ou de Morr – et plus tard d’Amor –, qui est l’église actuelle, et Sanctus Petrus de Artigaus, dont tout souvenir est aujourd’hui éteint, mais qui semble avoir été élevée un peu en amont sur les bords du Luy de Béarn.
Demeurée jusqu’à la Révolution française siège de l’archiprêtré de Rivière-Luy, dans le diocèse de Dax, l’église Saint-Pierre a eu pour curés au cours des siècles des membres de nombreuses familles nobles des environs, et un document de 1742 indique qu’à cette date son église comportait encore une chapelle Saint-Léonard, déjà mentionnée en 1481, et qui abritait le mausolée des Caupenne d’Amou, seigneurs du lieu.
L’édifice
Ces circonstances expliquent-elles l’ampleur de l’église qui nous est parvenue ? Il est difficile de le dire aujourd’hui : les comptes rendus des visites pastorales de l’évêque de Dax de 1730, 1742 et 1753 indiquent que le sanctuaire, fort grand, n’était alors éclairé que par deux vitraux de petites dimensions ; la nef, basse et également fort obscure, et la chapelle méridionale dédiée à la Vierge étaient lambrissées ; seule donc la chapelle funéraire « du château », qui demeurait indépendante de la nef, était voûtée d’ogives.
L’état vétuste et médiocre de la majeure partie de ces éléments devait entraîner au siècle suivant d’importants travaux qui ont assez profondément modifié l’aspect de l’ensemble. En 1839, comme l’église apparaissait vraiment trop petite, on confia à l’architecte Destenave de Saint-Sever le soin de prolonger la chapelle méridionale pour former un second collatéral. Ces travaux affaiblirent-ils l’édifice ? L’année suivante, le déversement d’une grande partie des murs intérieurs obligea à refaire quelque 218 mètres cubes de maçonnerie, et, le 1er avril de l’année suivante, une lettre au préfet indiquait que l’on avait démoli les trois quarts du bâtiment et exécuté les travaux urgents et indispensables aux murs, à la charpente, à la toiture et aux plafonds, et percé 12 fenêtres pour éclairer la nef.
En 1861, on se contente de démolir un porche situé au nord de la tour, mais, en 1903, l’architecte Séron de Saint-Sever remplace le plafond de plâtre de la nef par l’actuel plafond à caissons, et agrandit les 12 fenêtres hautes. L’importance et la diversité de tous ces travaux explique en grande partie l’impression assez étrange que donne aujourd’hui l’édifice.
Mais des réfections tout aussi radicales effectuées dans un passé plus lointain avaient déjà fait disparaître bien des éléments de l’église originelle, dont le chevet était en outre jusqu’à une date récente en grande partie dissimulé par le lierre qui recouvrait ses murs.
La suppression de ce lierre a révélé l’intérêt de dispositions dont on ne connaissait jusque-là que quelques éléments peu significatifs conservés dans le local de la chaufferie. On a ainsi pu constater que l’abside, dont le diamètre extérieur atteint près de 11 m, était tout entière ceinte d’une arcature à la fois rythmée et raidie par des colonnes engagées dans des pilastres et qui montaient sans doute jusqu’à une corniche. Dans la partie axiale, la seule qui puisse pour l’instant être étudiée, deux de ces pilastres subsistent sur l’arrondi ; trois arcades les relient, dont les sommiers reposent sur les tailloirs de colonnettes isolées disposées dans l’angle des pilastres ou sur le nu du mur, au-dessus d’un mur-bahut.
Seul le tailloir appliqué contre le pilastre septentrional est orné d’un rinceau de grandes demi-palmettes ; les trois autres sont nus. Un sondage a permis de constater que la base et le fût d’une colonnette subsistaient à l’intérieur des maçonneries qui comblent les arcatures. Une colonnette conservée dans la chaufferie a également gardé son chapiteau, mutilé, mais dans lequel on reconnaît un type courant de corinthien à rangée unique de grandes feuilles d’angle.
L’utilisation d’une arcature pour orner un hémicycle n’est pas rare dans ces régions, mais elle concerne généralement la face interne du chevet. Les exemples en sont beaucoup plus rares pour l’extérieur : outre le chevet justement célèbre de Saint-Paul-lès-Dax, on ne peut aujourd’hui citer que ceux d’Aulès dans la commune de Doazit, de Gaillères et, bien plus loin, de Sainte-Livrade en Agenais.
À l’intérieur, une boiserie recouvrant la partie inférieure du mur ne permet pas de savoir s’il a existé un décor analogue à celui de l’extérieur ; au-dessus, l’appareil régulier subsiste sous l’enduit qui le recouvre, mais il semble avoir été dégradé par un incendie. Au-dessus de ces éléments, la surélévation construite au début des années 1840 est faite en une maçonnerie de moellons ; un oculus y est percé dans l’axe, deux fenêtres dans la travée droite.
L’ampleur assez considérable de ce chevet – près de 11 m de diamètre extérieur – et l’absence de véritables renforcements à l’extérieur comme à l’intérieur permettent de conclure que l’on n’avait pas envisagé de voûtement à l’origine et qu’on n’en a jamais réalisé par la suite. On donc affaire à un type d’édifice assez original, qui s’inscrit dans une tradition remontant à l’Antiquité tardive et souvent adoptée dans des églises paléochrétiennes. Dans ce parti, le mur, dépourvu de toute articulation forte, se développe de manière continue, animé seulement par des décors organisés en bandes horizontales.
Le chevet ainsi conçu, que l’on peut attribuer au début du XIIe siècle, était prolongé par une nef de même largeur à l’intérieur, mais légèrement plus large à l’extérieur, et qui était également dépourvue de toute articulation, autant que les démolitions du XIXe siècle permettent d’en juger.
Dernier élément ancien, la tour élevée au XIVe ou au XVe siècle ne se situe ni dans le prolongement exact de la nef, ni dans celui des vestiges romans conservés au chevet. Il est impossible de dire si sa hauteur a toujours été aussi réduite qu’aujourd’hui, mais on ne peut douter qu‘elle ait comporté dès l’origine des arcades par lesquelles son rez-de-chaussée s’ouvrait vers le nord et vers le sud : ce parti, qui avait également été adopté à Brassempouy et vraisemblablement à Saint-Cricq, montre qu’à ses fonctions défensives s’ajoutait sans doute celle de permettre le rassemblement de la communauté paroissiale en dehors de l’église proprement dite.
Le mobilier
Le compte rendu de la visite pastorale de 1730 signalait l’état de vétusté d’une grande partie du mobilier qu’abritait alors l’église d’Amou. Ces éléments sont aujourd’hui remplacés par d’autres qui proviennent pour la plupart de Saint-Jean-de-la-Castelle, une ancienne abbaye de Prémontrés fondée sur les bords de l’Adour, tout près de la ville épiscopale d’Aire.
Les bâtiments de cette abbaye étaient devenus la propriété du marquis de Caupenne d’Amou au moment de la Révolution. Ils furent légués par lui à l’une de ses filles, Mme de Pontac. Sous la Restauration, vers 1825, Mme de Pontac décida de vendre les bâtiments de La Castelle, mais elle fit don à la paroisse d’Amou d’une grande partie du mobilier encore en place dans l’église : le maître-autel et son tabernacle, ainsi sans doute que les stalles et le bas-relief de la chapelle latérale nord.
Le maître-autel est tout à fait remarquable et original : il marie en effet bois et marbre et possède un tabernacle caractéristique qui « interprète le thème du baldaquin surgissant d’une forêt de colonnettes » ; au-dessus, une statuette représente le Christ de la Résurrection, selon une iconographie fréquente au début du XVIIIe siècle.
La composition très aérée et la décoration du tabernacle prouvent qu’il n’a pas été conçu pour être appuyé contre un mur, mais pour que l’on puisse en faire le tour. En effet, il n’est pas seulement orné d’une Pietà sur sa porte, mais également, au revers, d’une Déposition de Croix finement sculptée. On peut en outre se demander si l’ensemble n’était pas surmonté d’un grand baldaquin d’où proviennent peut-être deux grands anges de bois dont un seulement se trouve actuellement dans l’église.
Dans la chapelle nord, la cuve d’un autel du siècle dernier a été ornée d’un bas-relief en bois du xviie qui représente une Crucifixion : auprès du Christ et des deux larrons sont figurés tous les autres personnages du drame : la Vierge, saint Jean, sainte Marie-Madeleine, les soldats, le porte-lance, avec pour fond la ville de Jérusalem. De grande qualité également sont les terminaux de certains bancs disposés dans le chœur et la chapelle méridionale, ainsi qu’un Christ en bois du xviiie siècle, dont de nombreuses couches de peinture ne permettent malheureusement pas d’admirer toute la finesse des détails.
On peut regretter qu’il ne subsiste rien en revanche de l’autel décrit en 1730 dans la chapelle sud, avec ses trois statues – une Vierge à l’Enfant, sainte Barbe et saint Jacques –, ni aucun élément d’une chapelle jadis située près de la porte d’entrée et dont la dédicace au même saint Jacques rappelait qu’Amou se trouvait sur l’un des axes secondaires du Pèlerinage de Compostelle.
Les éléments de mobilier que conserve encore l’église Saint-Pierre devaient jadis être mis en valeur par un décor de peintures murales qui a malheureusement été remplacé par un triste badigeon gris, et par un intéressant ensemble de vitraux qui ornent toujours les nombreuses fenêtres des trois nefs. Dans le vaisseau central, de part et d’autre du saint patron de l’église figuré dans un œil-de-bœuf placé dans l’axe, les autres apôtres et les évangélistes sont entourés d’un encadrement géométrique dans les fenêtres hautes agrandies en 1903 ; dans les collatéraux, le Baptême du Christ au nord, la Nativité de la Vierge au sud, sont accompagnés des figures de divers saints et saintes.