Inscrite à l’Inv. Suppl. des Monuments historiques le 23 septembre 1970
Un peu d’histoire
Des origines au xviiie siècle
Bascons, dont le nom a été rapproché de celui des Vascones qui envahirent la Novempopulanie au vie siècle, a joué au cours du Moyen Âge un rôle important dans les domaines militaire et judiciaire. Il existait alors en ce lieu un château qui constituait le chef-lieu d’une des baylies de la vicomté de Marsan, le centre d’un districtus aux limites duquel on percevait un péage, et enfin le siège d’une curia, dans le cadre de la « Cour dels Sers ou des Senhors », une juridiction féodale active vers l’an 1300. Ce château gardait encore au XVIIe siècle une valeur militaire suffisante pour accueillir en 1653, au cours de la Fronde, les troupes du Chevalier d’Aubeterre.
Le passé de l’église est beaucoup moins documenté : deux dates qui se lisent sur des clés de voûte indiquent respectivement l’époque de la construction de la première travée de la nef –1626 – et de la sacristie – 1776. La portée de cette dernière date est précisée par le compte rendu de la Visite pastorale effectuée le 9 novembre 1755 par Mgr Sarret de Gaujac, évêque d’Aire : on y apprend qu’à cette date, l’église ne comportait encore qu’une seule nef flanquée de deux chapelles dédiées respectivement à Notre-Dame et à Saint Joseph. Il en était encore de même en 1771, mais on décida alors de l’agrandir, et c’est dans le prolongement de ces travaux que fut construite la sacristie en 1776, et que l’on refit l’ensemble du carrelage en 1780 et le maître-autel en 1785.
Les travaux du xixe et du xxe siècle
Après la Révolution où elle fut utilisée comme magasin à fourrage, l’église n’a fait pendant un demi-siècle l’objet que de rares travaux d‘entretien. En 1857, un rapport demandé par le préfet à l’architecte Sibien constatera que l’église, qui était dans un état déplorable de vétusté, a été réparée à l’extérieur et à l’intérieur : la toiture a été entièrement remaniée, les voûtes des trois nefs, très dégradées par les gouttières, ont été appropriées, les murs ont été redressés, recrépis et badigeonnés et le maître-autel et les autels des chapelles ont été restaurés. Comme le carrelage de terre cuite est en très mauvais état, il propose une réfection complète des sols pour une somme de 3300 F.
En 1860, une cérémonie de bénédiction solennelle de trois cloches conclut une campagne de réfection du clocher. En 1862, on décore le collatéral sud de nouvelles peintures. Peu avant la guerre de 1939, le large porche en appentis qui s’élevait contre la façade est remplacé par un nouveau, de dimensions plus réduites. Enfin, la toiture qui avait perdu son étanchéité a été récemment restaurée, ainsi que des peintures de la voûte de la nef, dégradées par les infiltrations.
Un édifice profondément modifié au cours des siècles
Un examen attentif de certaines particularités de l’église Saint-Amand de Bascons montre qu’en dépit de la simplicité de son plan, du caractère massif et de l’austérité de son élévation et de la régularité de ses percements et de ses systèmes de voûtement, l’édifice a connu une histoire marquée par d’importants changement de parti, et sans doute même de destination.
Un premier édifice de fonction incertaine du xiiie siècle
Dans la première phase de son histoire, l’édifice se réduisait certainement à une vaste salle rectangulaire, dont l’emprise correspondait à celles de la nef actuelle et de son collatéral méridional.
Les proportions générales, l’appareil irrégulier des murs, l’absence de toute articulation comme de tout décor, les dimensions très réduites des fenêtres dont une subsiste près de l’angle sud-ouest, les meurtrières conservées à un niveau intermédiaire des murs méridional et oriental, les créneaux ménagés au sommet des deux murs gouttereaux et du mur oriental alors de même hauteur correspondent manifestement mieux à un édifice civil qu’à une église.
Cet édifice, qu’il faut peut-être mettre en relation avec la baylie ou la curia mentionnée par les textes, était divisé en étages, peut-être eux-mêmes partagés en pièces par des cloisons, et il était couvert d’une toiture à quatre pentes.
La transformation de l’édifice en église au XIVe siècle et les aménagements du XVe
Dès le xive siècle, un important ensemble de travaux a permis de transformer cette première bâtisse en église : un mur longitudinal a alors isolé dans la partie nord un vaisseau partagé en trois travées couvertes de voûtes d’ogives dont les nervures retombent sur des culots ; un mur transversal a délimité, vers l’extrémité orientale de la partie sud, une chapelle de deux travées communiquant par une arcade avec le vaisseau principal et couverte de voûtes d’ogives très basses ; le mur oriental a été surélevé en mur-pignon et couronné d’un petit clocheton ; enfin, le mur occidental a été entièrement rebâti sur un axe fortement dévié, et avec une épaisseur beaucoup plus forte pour porter un clocher-mur.
La construction des voûtes du premier vaisseau a contraint à renforcer ses murs latéraux par de curieux contreforts de plan triangulaire, son mur est par des contreforts d’angle, et son mur ouest par deux contreforts étroits encadrant un portail.
L’édifice ainsi transformé n’avait pas pour autant perdu sa fonction défensive, qui a même été complétée par la construction d’une tourelle d’escalier à l’angle sud-ouest de la nouvelle nef, par celle d’échauguettes au-dessus du portail d’entrée et de la baie d’axe orientale, et par la mise en place, dans les meurtrières situées au centre des merlons, de cloisons percées de meurtrières en forme de fentes, de croix, ou de simples perforations circulaires.
Surtout, la totalité de la partie méridionale à l’exception de la chapelle, et les combles du vaisseau principal, que recouvrait une charpente unique appuyée sur le mur de séparation, ont pu continuer à jouer leur rôle de refuge armé pour la population.
Au siècle suivant, pour répondre sans doute au développement de nouvelles pratiques de dévotion, l’édifice ainsi transformé a été complété par la construction contre la partie centrale du mur nord d’une chapelle carrée, renforcée par des contreforts d’angle, voûtée d’ogives retombant sur des colonnettes engagées dans les angles, et couverte d’une toiture à deux pentes ; un peu plus tard, une autre travée couverte de voûtes à liernes et tiercerons a été ajoutée à l’ouest.
Les travaux des xviiie-xxe siècles
Toutes ces précautions ont sans doute assez efficacement protégé l’église pendant les Guerres de Religion, qui ont frappé le mobilier, mais épargné l’essentiel de l’édifice, dont on pourra, en 1626, se contenter de refaire la partie supérieure de la première voûte d’ogives de la nef.
La campagne de travaux menée au cours du dernier tiers du siècle suivant va être d’une tout autre ampleur. Comme l’église, qui ne comportait toujours qu’une nef flanquée de deux chapelles, s’avérait trop petite pour la population, on décida en 1771 de l’agrandir en aménageant deux véritables collatéraux : au nord, la chapelle de deux travées a été complétée par une troisième à l’est, et l’ensemble a reçu des voûtes d’ogives identiques ; au sud, le rez-de-chaussée de la partie fortifiée a été partagé en 4 travées que l’on a couvertes de voûtes d’ogives aussi basses que celles de la chapelle orientale. Enfin, on a édifié à l’est une sacristie de deux travées voûtées.
Les deux derniers siècles ont également fortement marqué l’édifice, en dotant tout l’intérieur d’un riche décor peint et en complétant son mobilier par une surabondance d’éléments de qualité, qui tranchent de manière radicale avec la sévérité et l’austérité de l’extérieur.
Les éléments de décor sculptés ou peints
Lors de la transformation du premier édifice en église au XIVe siècle, son mur occidental a été rebâti et on y a ménagé un portail encadré par des colonnettes, dont les chapiteaux portent quatre voussures lisses en arc brisé et un tore en anse de panier bordant le tympan : les chapiteaux sont ornés de feuillages à l’exception de deux du côté droit, qui représentent respectivement deux porcs et un joueur de cornemuse, évocations explicites de la luxure et de la danse qui la favorise.
Au centre du tympan, une double arcade trilobée encadre une Vierge à l’Enfant et l’évêque saint Amand, patron de l’église.
Saint Amand reparaît sur la clé de voûte très découpée du chœur, et on retrouve la Vierge, les pieds posés sur un croissant de lune et soutenant Jésus dans ses bras, sur une très grande clé du collatéral méridional.
Le décor sur fond bleu roi peint sur les voûtes du vaisseau central est d’une grande délicatesse : de gracieux rinceaux d’acanthe entourent, sur la travée de chœur, des médaillons contenant les bustes des évangélistes, devant lesquels se prosternent des anges, sur les deux autres travées, des séraphins végétalisés.
Un mobilier d’une diversité et d’un intérêt iconographique exceptionnels
Après les déprédations infligées successivement par plusieurs capitaines huguenots et dont le Procès-Verbal de Charles IX dresse une liste impressionnante, l’église de Bascons a été dotée au cours des deux siècles suivants d’un nouveau mobilier dont subsistent des pièces remarquables.
Le retable du maître-autel
Quatre colonnes torses encadrent cet important ensemble et le partagent en trois volets ; chacune d’elles repose sur un socle orné d’une tête d’angelot bouclée, les fûts sont décorés de pampres de vigne, les chapiteaux corinthiens portent un tailloir étroit et une petite console représentant un buste d’angelot et soutenant la corniche. Le tableau qui occupait le volet central ayant disparu, on a placé à l’intérieur d’un cadre un grand crucifix polychrome qui se détache sur un fond de nuages ; de part et d’autre, une double chute de fleurs et de fruits pend d’une grande rosette.
Sur les volets latéraux, des niches abritent deux grandes statues d’évêques barbus, portant étole et cape, coiffés de la mitre et tenant symétriquement d’une main le Livre fermé pour celui de gauche, ouvert pour celui de droite, et de l’autre une crosse : leur similitude permet de penser qu’il peut s’agir d’un même personnage, saint Amand sans aucun doute. Au-dessus, de longues bandes d‘étoffe tombent de part et d’autre d’une tête d’angelot.
Surmontant l’entablement, un tableau représentant les personnes de la Trinité est encadré par deux caryatides et couronné par un ange aux ailes largement déployées. Sur les côtés, des vases de feuillages et de fleurs encadrent des constructions pyramidales ornées d’un angelot à la base.
L’autel et le tabernacle que devait entourer ce bel ensemble ont disparu ; ils sont remplacés par des éléments en marbre blanc : l’armoire eucharistique est conçue comme une construction de style gothique ; ses ailes sont recouvertes de délicats rinceaux de vigne ; la cuve de l’autel, qui a été avancée, est elle aussi ornée en style gothique, et partagée en trois arcades trilobées, en arc brisé sur les côtés, en anse de panier au centre, où deux anges enlèvent au ciel la Vierge de l’Assomption.
Le retable du collatéral nord
Également privé de son autel et de son tabernacle anciens, ce retable est par sa conception et son style très proche du précédent. Sur une partie inférieure imitant des faux-marbres blancs et noirs, il est partagé en trois volets par des colonnes torses ornées de pampres, et couronnées par des chapiteaux et des tailloirs soutenant l’entablement, à la base duquel court un rinceau de palmettes. Au-dessus, un édicule abrite le buste de Dieu le Père tenant le globe terrestre à l’intérieur d’une couronne d’angelots.
Sur les volets latéraux, les niches surmontées d‘angelots abritent les statues de Joachim et d’Anne, les parents de la Vierge à laquelle étaient sans doute dédiés le retable et son autel à l’origine. Mais c’est actuellement le Sacré-Cœur apparaissant à Marguerite-Marie Alacocque qui est représenté sur le tableau central.
Ce changement de vocable s’est accompagné d’une réfection médiocre de la polychromie des statues, de l’adjonction au sommet de deux anges peints tenant un cartouche indiquant que l’autel bénéficie d’indulgences privilégiées, et de l’inscription au-dessus du tableau de la Trinité du nom du pape régnant, Pie IX, et de la date de 1866.
La chaire
La chaire a elle aussi été en partie refaite, mais on y a heureusement remployé le panneau du dossier représentant saint Amand entre deux chutes de feuillages, la colombe du Saint Esprit remontée sous l’abat-son, et des cariatides sur les angles de la cuve. En face de la chaire, un beau crucifix a été placé à la naissance des ogives de la voûte.
La porte d’entrée
Les vantaux de la porte d’entrée se rattachent à un groupe d’œuvres dues à des menuisiers montois du XVIIe et du XVIIIe siècle et dont de nombreux exemplaires sont conservés dans la partie orientale du département des Landes. Toutes ces portes offrent des panneaux géométriques encadrant un motif central, ici une tête de lion tenant un anneau, et un motif supérieur, ici la Vierge et l’Enfant à gauche et saint Amand à droite.
Ce premier groupe de pièces, où l’on reconnaît les caractères stylistiques et iconographiques de l’art de la contre-réforme, a été complété et comme submergé par un ensemble considérable d’œuvres très diverses du XIXe et du début du XXe siècle, répandues dans toutes les parties de l’édifice.
Les nouveaux éléments de mobilier de la nef principale
Sur le mur sud, dans trois grandes niches creusées au-dessus des arcades, des consoles décorées d’un angelot portent des statues figurant, d’est en ouest, la Foi, qui tient le calice et l’hostie de la main droite et une croix de la gauche, l’Espérance, appuyée sur une ancre, la Charité posant sa main droite sur la tête de deux enfants et tenant dans la gauche un cœur couronné de flammes.
Sous cette dernière statue, un tableau figure Jésus et saint Jean pendant la Cène.
Sur le mur ouest, des statues représentant Moïse portant les Tables de la Loi et Jésus tenant le Livre de l’Évangile figurent les deux Testaments, comme l’indique l’inscription d’un cartouche placé entre eux.
Un peu plus bas, un faisceau associe aux symboles de l’épiscopat – la mitre, la crosse, la croix – des évocations de l’eucharistie – épis de blé, grappes de raisin – et des rameaux de chêne.
Sur le premier pilier nord, un tableau représente saint Amand bénissant la fontaine qui lui est dédiée, devant une église. Huit autres tableaux sont disposés sur deux faces des piliers méridionaux, sous les arcades ouvrant sur le collatéral :
ils figurent d’est en ouest la Présentation de Jésus au Temple, la Fuite en Égypte, Jésus retrouvé par ses parents au milieu des docteurs de la Loi, la rencontre de Jésus et de sa Mère sur le chemin de la Passion, Marie et Jean au pied de la croix, la Pietà, la Mise au Tombeau, la Vierge des Douleurs, autant de scènes évoquant des souffrances de Marie : cette signification est explicitée sur chaque tableau par une auréole lumineuse entourant sur la poitrine de la Vierge un cœur percé d’un nombre croissant de glaives, un seul lors de la Présentation, huit sur le dernier tableau.
Le mobilier du collatéral nord
Au fond du collatéral nord, une grande composition fait face au retable de l’extrémité orientale : une architecture gothique en claire-voie entoure les fonts baptismaux et le tableau représentant le Baptême de Jésus qui l’accompagne. Au-dessus, de part et d’autre d’un cartouche indiquant O MORS ERO MORS TUA, « Ô mort, je serai ta mort », deux consoles portent les statues de saint Michel frappant le Dragon de sa lance, et de l’Ange gardien, montrant à un enfant la couronne d’angelots qui entoure une gloire au centre de laquelle rayonne le Soleil de Justice.
À la base du mur nord, deux niches précédées d’un petit autel abritent un Christ à la colonne, accompagné de l’inscription Ecce homo cujus livore sanati sumus, « Voici l’homme dont les blessures nous ont guéris », et sainte Anne apprenant à lire à Marie enfant (Sancta Anna, ora pro nobis).
Sur le même mur, deux tableaux figurent la Sainte Famille et la Mort de saint Joseph entre Jésus et Marie. Plus haut, cinq statues représentent saint Pierre tenant ses clés, saint Paul et son glaive, saint Barthélemy avec une épée, saint Jude avec la scie de son martyre, saint Matthieu et une lance.
L’autel et le retable du collatéral sud
Le changement de vocable de l’ancien autel de la Vierge a conduit à édifier un nouvel ensemble dédié à Marie dans le collatéral sud.
Il s’agit d’une œuvre relativement modeste et banale, en forme d’édicule en faux marbre, cantonné par des colonnes dont les chapiteaux ioniques portent un simple fronton. Au centre, une Vierge à l’Enfant juvénile occupe une niche profonde.
Les vitraux de Raymond Clercq-Roques
Au début des années 1960, tous les vitraux anciens dont on ne sait rien ont été remplacés par un ensemble de verrières en dalle de verre réalisées par un verrier d’Albi à qui on doit de nombreuses autres œuvres ornant des églises landaises.
Les vitraux du collatéral nord sont consacrés à l’histoire de saint Amand : d’ouest en est, sont représentés l’envoi du saint en mission par Jésus, son arrivée en Gaule sur les flots, un homme puisant de l’eau au puits figurant la source, pour un enfant tenu par sa mère. Dans le collatéral sud, les vitraux représentent, encore d’ouest en est, l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la Maternité de Marie, la Vierge de l’Assomption. Enfin, au sommet du mur ouest de la nef principale, un œil-de-bœuf ne porte qu’un décor abstrait évoquant peut-être l’Esprit Saint.