Église inscrite à l’Inv. Suppl. des M. H. le 18 juin 1973
Histoire de l’édifice
Les origines de l’église Saint-Jean-Baptiste sont assez bien connues par plusieurs documents, dont le plus ancien est gravé sur deux pierres d’appareil, à l’intérieur de l’absidiole méridionale devenue sacristie : on peut y lire :
XVII KALENDAS IANVARII / DEDICACIO / ISTIVS ALT / [A]RE . IN HONORE /
SA[NC]TORV[M] A[POSTOLORVM (?)] PET[RI ET PAVLI (?)] SANCTI […]
«Le 17 des calendes de janvier [16 décembre], dédicace [i.e. consécration] de cet autel en l’honneur des saints apôtres Pierre et Paul (?), et de saint…».
Comme d’ordinaire, ce texte ne donne que le jour et le mois de la dédicace, qui étaient nécessaires pour en célébrer chaque année l’anniversaire ; en revanche, l’année n’est malheureusement pas indiquée.
On peut toutefois penser que la construction de l’édifice a pu suivre d’assez près la rédaction d’un autre document, qui signale le don d’une église de Scalens à l’abbaye d’Eauze en 1088, lors de la soumission de cette abbaye à l’Ordre de Cluny. Eauze, qui n’est distante d’Escalans que d’une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau, est aujourd’hui une toute petite ville, mais elle a été dans l’Antiquité le chef-lieu de la vaste province de Novempopulanie, et elle devait conserver au Moyen Âge des vestiges de monuments très importants, ainsi qu’une abbaye bientôt devenue clunisienne. Cette abbaye a fondé à Escalans un prieuré auquel elle a donné son propre vocable – saint Luperc –, qui est devenu dans le parler local Saint-Loubert.
Ce prieuré n’a pas dû subsister très longtemps, car, un siècle et demi plus tard, le 12 juin 1230, Scalans n’apparaît plus que comme une simple église, qu’Amanieu, archevêque d’Auch, donne à la puissante abbaye de la Grande-Sauve, dans l’Entre-Deux-Mers. Cette abbaye étant très éloignée, l’église a été placée sous la dépendance immédiate du prieuré tout proche de Gabarret, qui dépendait lui aussi de la Sauve, et qui était alors dirigé par un certain Arnaud Béduisan. Il faut noter que l’église avait alors changé de vocable, pour prendre celui de Saint-Jean-Baptiste, qu’elle a gardé jusqu’à nos jours.
Escalans est sans doute restée jusqu’à la Révolution sous la dépendance de la Sauve-Majeure, qui continuait en particulier à nommer son curé. Toutefois, elle versait la dîme à l’archevêque d’Auch, dont un représentant était venu, le 19 janvier 1546, enquêter sur les comptes de la fabrique et sur l’état de l’édifice. Le procès-verbal très détaillé qui fut rédigé à cette occasion est précieux, car il indique que si l’église paraissait bien bâtie, seul le chœur et les chapelles étaient voûtés, que le mur de la nef avait dû être refait pour permettre de couvrir également cette partie d’une voûte, que la penne (le clocher-mur) était vieille, mais «de bonne matière pour durer longtemps», et qu’enfin il existait un porche bien construit.
On sait qu’au cours du xixe siècle l’église a fait l’objet de plusieurs ensembles de travaux, dont deux méritent surtout de retenir l’attention : en 1865, le châtelain d’Escalans, M. Delille, fait orner le chœur des peintures que l’on y voit encore ; en 1906, on dote l’église d’un maître-autel de marbre, d’une grille de fer, de sept vitraux, de cloches, d’une chaire en bois, de fonts baptismaux avec grille en bois, d’un bénitier en pierre et de six statues.
Vient ensuite une longue période où l’attention se détourne de cette église un peu isolée, vers l’église annexe Sainte-Meille, plus proche du centre administratif de la commune. On se contentera, en 1935, de démolir le porche en ne conservant que la partie basse de son mur jusqu’à un mètre du sol pour servir de clôture, et, en 1983, de réparer sommairement la toiture.
L’édifice a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 18 juin 1973.
L’édifice
L’église Saint-Jean-Baptiste étant aujourd’hui dissimulée au nord par les bâtiments de l’ancien presbytère, il faut aller dans le cimetière qui l’entoure au sud et à l’ouest pour découvrir ses dispositions anciennes, mais aussi les traces d‘une histoire assez compliquée, en raison de sa position aux confins des parties sous dépendance anglaise et française de la Gascogne.
L’église romane
En examinant le plan chronologique, on voit bien comment était à l’origine conçu l’édifice : un chevet composé d’une abside flanquée de deux absidioles dont une a disparu, une nef unique, et deux bras donnant accès aux absidioles.
Dans cet ensemble, le chevet se distinguait très nettement de tout le reste, à la fois par son voûtement et par son décor. Pour les absidioles, ce décor demeurait relativement sobre : fenêtre étroite à linteau monolithe, arc d’entrée sur des piédroits simplement ornés d’impostes décorées de palmettes, bandeau de billettes à la naissance des voûtes, et sans doute modillons sous la corniche. Des modillons devaient également couronner l’abside, mais c’est surtout la décoration intérieure qui a fait l’objet d’un soin particulier : à l’entrée, deux colonnes reposant sur des bases ornées étaient couronnées par des chapiteaux aujourd’hui remplacés par une imposte ; sur les murs, deux bandeaux, dont un encercle les colonnes et dont l’autre prolongeait les tailloirs, déterminent un double registre : dans le registre supérieur trois fenêtres qui s’ouvrent dans une arcade nue, et tout le décor se concentre dans le registre inférieur, dans lequel neuf arcades reposent alternativement sur des colonnettes et des chapiteaux simples ou doubles.
Si les tailloirs, très mutilés, ont pour la plupart été retaillés ou reconstitués maladroitement, les corbeilles sont assez bien conservées. Cinq d’entre elles, qui sont de type corinthien, portent deux rangées de feuilles nues ou ornées de boules. Les cinq autres sont historiées. Sur la première à droite, deux lions ailés, assis sur leur arrière-train et appuyant leurs quatre pattes contre l’angle, détournent leur tête pour mordre l’extrémité de leur aile : la signification de cette scène menaçante, au seuil du sanctuaire, n’apparaît pas clairement.
Les quatre chapiteaux du fond sont d’une interprétation plus facile : selon un thème général que l’on rencontre sans cesse dans notre région, ils opposent les forces du Bien à celles du Mal. Le Mal est représenté à gauche par deux sirènes-poisson, images de la Tentation, et par deux signes du Zodiaque – le Sagittaire et les Gémeaux –, symboles des devins prétendant connaître l’avenir. À côté, deux aigles aux ailes déployées évoquent à la fois l’orgueil et la force brutale.
En face, on trouve tout d’abord le Christ victorieux, symbolisé par Daniel dominant les lions de Babylone, et, à côté, des oiseaux perchés dans des pampres de vigne et picorant des grappes, un symbole traditionnel de l’Eucharistie.
Au regard de cet ensemble, le reste de l’édifice apparaissait très nu : l’absence de contreforts et de colonnes montre qu’il n’était couvert que d’une charpente ; seul le portail dont on voit encore l’arcade murée à l’extérieur du mur sud était peut-être orné.
Les transformations des époques gothique et moderne
Dès le XIVe siècle sans doute, le bras sud et la nef ont subi une première destruction. On a alors renforcé le mur occidental du bras par une grande arcade brisée, et on a élevé à sa jonction avec la nef une tourelle destinée à donner accès à un étage fortifié.
La partie haute du mur méridional de la nef a également été rebâtie ; construite en retrait sur le mur roman, elle a été percée de lancettes fermées par un arc trilobé. Enfin, le mur occidental a dû être entièrement refait : on l’a renforcé aux extrémités par des contreforts obliques, et on a ménagé dans sa partie supérieure trois baies dont deux étaient destinées à abriter les cloches.
Dans le même temps, on s’est préoccupé d’éviter de nouvelles destructions en assurant la défense de l’extrémité occidentale ainsi réaménagée : on a alors prolongé la pièce forte ménagée au-dessus de la nef par une sorte de balcon percé de meurtrières, mais ne comportant pas d’assommoir, car c’est encore la porte sud qui continuait à être utilisée.
Ces précautions n’ont malheureusement pu mettre l’édifice à l’abri de tous les malheurs de la guerre. Vers l’an 1500, certaines parties se trouvaient ruinées ou très délabrées, et la diminution des ressources allait contraindre à étaler leur réfection dans le temps. La première phase a concerné le chevet et les bras. L’abside et l’absidiole sud ayant peu souffert, elles n’ont demandé que des réparations légères, mais on a orné la première de peintures murales, dont on voit des traces à la base du mur sud et dont d’autres doivent subsister sous le décor du XIXe.
En revanche, l’absidiole nord ayant été entièrement détruite, on a dû la remplacer par une chapelle rectangulaire dans les murs de laquelle on a remployé des matériaux et des éléments anciens et que l’on a voûtée d’un lambris en forme de dôme.
Les bras ont également dû être restaurés, mais on les a en outre couverts de voûtes d’ogives à quatre clés. Ces travaux ne constituaient que la première étape d’un projet plus large, qui comportait aussi le voûtement de l’ensemble de la nef, comme l’indique le procès-verbal de 1546 : en effet, on a alors renforcé les quatre angles de la dernière travée par de grosses piles circulaires. Et comme la construction de l’une de ces piles à l’angle sud-ouest a entraîné la condamnation de la tourelle d’escalier construite à l’époque précédente, on a remplacé cette tourelle par une autre édifiée au sud de la façade occidentale. Enfin, la porte sud a été murée et l’on en a ménagé une nouvelle à l’ouest.
Enfin, un peu plus tard encore, on s’est également préoccupé d’améliorer le fonctionnement de l’édifice en transformant l’absidiole sud en sacristie par la fermeture de son arc d’entrée et par l’ouverture d’une porte donnant sur le sanctuaire. Quant à la petite chapelle qui avait remplacé l’absidiole nord, elle a été isolée du transept et ouverte sur le chœur pour servir de seconde sacristie ; plus tard, elle devait être réduite à la fonction de simple débarras pour le presbytère qui avait été construit contre le flanc nord de la nef. Enfin, l’action d’un mécène en 1865 a permis de décorer le chœur des peintures décoratives encadrant de médaillons représentant le Christ, Saint Pierre et Saint Paul, qui l’ornent encore, et en 1906, on a doté l’ensemble d’un mobilier neuf pour l’essentiel conservé jusqu’à nos jours.